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23 mai 2011

ALLER À L’ESSENTIEL, C’EST PRESQUE, À COUP SÛR, PASSER À CÔTÉ DE CE QUI PRÉCISÉMENT L'EST !

Comment savoir a priori ce qui est essentiel ?
« Mais, allez donc à l’essentiel ! », « Arrêtez de vous perdre dans les détails, vous perdez de vue l’essentiel. », « Je vous fais confiance, vous saurez aller à l’essentiel et nous dire ce qu’il en est la semaine prochaine »,…
Combien de fois n’ai-je pas entendu, sous une forme ou sous une autre, des apologies du « Aller à l’essentiel » ! Dans notre monde du zapping, toujours en train de courir, confondant vitesse et précipitation, nous n’avons plus de temps à consacrer qu’à l’essentiel. En dehors de lui, pas de salut !
Tout ceci est correct si l’on est face à une situation connue, s’il s’agit de résumer d’un rapport, ou de synthétiser des conclusions. Oui, bien sûr quand on doit faire le « pitch » d’un film, on doit aller à l’essentiel. Je n’ai aucun problème avec cela, bien au contraire.
Mais quand on est face à une situation nouvelle et inconnue, quand il s’agit de comprendre, quand on doit faire une analyse complexe pour identifier les causes d’un dysfonctionnement, comment pourrait-on aller à l’essentiel ? Comment distinguer a priori entre ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas ?
Dans ce cas, il est dangereux d’aller à l’essentiel, car, à ce stade, rien n’est essentiel et tout est détail. Pas moyen d’éviter de se laisser perdre pour avoir une chance de comprendre. Aller à l’essentiel, c’est presque, à coup sûr, passer à côté de ce qui est précisément essentiel !

19 mai 2011

APPRENDRE À VOIR LES SITUATIONS TELLES QU’ELLES SONT… NI PLUS, NI MOINS

Les trois erreurs : question + sous-ensemble + essentiel
Comprendre suppose donc d’être intensément attentif… pour avoir une chance de trouver des truffes.
Pour cela, je vois trois « règles » essentielles :
1.      Ne pas commencer par poser des questions
Dès que vous posez la moindre question, vous n’êtes plus en attitude d’écoute et de compréhension, mais vous projetez votre vision de la situation. En effet, la question que vous posez vient de votre expérience et de votre connaissance préalable. Elle repose nécessairement sur un a priori issu de votre expertise actuelle et passée. Au lieu de poser des questions, il faut observer de la façon la plus neutre possible, sans jugement, sans point de vue. Juste regarder ce qui est là, intensément et dans le détail
2.   Accepter la complexité des situations et ne pas rationaliser les situations en les découpant artificiellement en problématiques indépendantes
Les fonctionnements des systèmes biologiques sont faits d’emboîtements et de juxtapositions multiples, de réunions et de séparations, d’ordre et de désordre. A vouloir simplifier trop vite une analyse, on va perdre des liaisons ou des effets essentiels.
3.      S’arrêter sur tout ce que l’on ne comprend pas, tout ce qui « sort de l’ordinaire », tout ce qui pose question
Une fois une telle anomalie repérée, il ne faut pas accepter de ne pas comprendre, mais au contraire poser ou se poser autant de « pourquoi ? » qu’il faudra. Ne jamais repartir en pensant : « Ce n’est pas important », du moins, pas tant que l’on n’a pas compris ce que cela signifiait. Finalement, tout problème est source d’un approfondissement de la compréhension.
Une autre façon serait de présenter quelles sont les trois principales erreurs à éviter : 
  • Poser des questions
  • Découper la situation en sous-ensembles
  • Aller à l’essentiel
Je vais revenir la semaine prochaine sur ces trois erreurs... en les prenant en ordre inverse...

16 mai 2011

FAIRE LE VIDE POUR SE DONNER UNE CHANCE DE COMPRENDRE

Comment pourrait-on comprendre si l’on sait déjà ?
Première étape pour accéder à la compréhension, et donc peut-être aux faits présents dans une situation donnée, il faut faire le vide pour regarder sans a priori.
Pourquoi est-ce un préalable incontournable ? Parce que, sinon, nous allons projeter, volontairement ou involontairement, sur la situation nos référentiels et nous allons la lire au travers de notre expérience.
Notre erreur de diagnostic peut alors nous être fatale, comme pour cette dinde dont je parlais dans mon livre, les Mers de l’incertitude :
« Vraiment c’est le rêve, pensait-elle. Je suis nourrie et logée, et je n’ai rien à faire. Une nourriture riche, abondante et variée. Un logement irréprochable, à l’abri de la pluie. Aucune pression, pas de bruit, pas de contraintes. Aucune raison de s’inquiéter. C’est la belle vie. » Le fermier qui regardait la dinde, pensait lui : « Plus que deux jours avant Noël. Il ne faut pas que je la regarde de trop, je pourrais m’attacher et ne plus pouvoir la tuer. »
Certes, notre erreur de diagnostic sera rarement et heureusement aussi lourde de conséquence…
Comment faire le vide ?
Je crois qu’il y a trois dimensions essentielles(1) :
  1. Se centrer d’abord sur l’observation : Dès que l’on approche une situation au travers d’un langage – notamment via des questions –, on projette sur elle son mode de raisonnement personnel. Seule l’observation brute, c’est-à-dire sans questions posées et sans grille d’analyse préalable, peut permettre d’accéder à la logique propre de la situation observée.
  2. Accepter  de ne pas être le centre du monde : Si l’on observe depuis l’endroit où l’on se trouve, on n’a qu’une vue partielle et partiale de la situation. Pour enrichir une observation, il faut se décentrer et voir depuis ailleurs (2).
  3. Mobiliser son expertise a posteriori et non pas a priori : Plus l’expertise d’un individu ou d’un groupe d’individus est grande, et paradoxalement plus elle risque de biaiser son analyse, car on cherche alors systématiquement, le plus souvent sans s’en rendre compte, à la lire au travers des cas connus. L’expertise doit permettre de comprendre ce que l’on a observé, mais ne doit pas être un filtre préalable.
Faire le vide, c’est bien et nécessaire, mais peut-on le faire dans la précipitation et l’urgence ?
(à suivre)
(1) Ces trois points sont détaillés dans mon livre, les Mers de l’incertitude, ce essentiellement dans le chapitre « Faire le vide »
(2) Michel Serres écrit dans le  Tiers Instruit : « En traversant la rivière, en se livrant tout nu à l’appartenance du rivage d’en face, il vient d’apprendre une tierce chose. L’autre côté, de nouvelles mœurs, une langue étrangère certes. (…) Car il n’y a pas d’apprentissage sans exposition, souvent dangereuse, à l’autre. Je ne saurai jamais plus qui je suis, d’où je viens, où je vais, par où passer. Je m’expose à autrui, aux étrangetés. »

16 juin 2010

COMMENCER PAR FAIRE LE VIDE

Le passé nous trompe souvent

Le premier des quatre points que je développe dans la deuxième partie des Mers de l'incertitude est la nécessité de commencer par faire le vide. En voici l'introduction :

«  « Vraiment c'est le rêve, pensait-elle. Je suis nourrie et logée, et je n'ai rien à faire. Une nourriture riche, abondante et variée. Un logement irréprochable, à l'abri de la pluie. Aucune pression, pas de bruit, pas de contraintes. Aucune raison de s'inquiéter. C'est la belle vie. »
Le fermier qui regardait la dinde, pensait lui : « Plus que deux jours avant Noël. Il ne faut pas que je la regarde de trop, je pourrais m'attacher et ne plus pouvoir la tuer. »
Caricatural ? Oui, bien sûr ! Mais cette histoire évoquée par Nassim Nicholas Taleb1 peut nous arriver à tous. Combien d'entreprises se sont endormies dans le confort de leur situation présente sans voir qu'elles allaient droit à l'abattoir ? Un grand nombre ! Combien de commentaires pendant l'année 2007 et même 2008, nous disant que tout allait bien, que le pire était derrière nous…

« Chaque homme, écrit Chateaubriand, porte en lui un monde composé de tout ce qu'il a vu et aimé, et où il rentre sans cesse, alors même qu'il parcourt et semble habiter un monde étranger. »2 Ainsi sommes-nous tous potentiellement victimes de nos habitudes, de notre expertise, de notre vision du monde. Nous avons tous tellement peur de l'incertitude que nous ne sommes pas naturellement enclins à nous remettre en cause. Nous aimons les recettes de cuisine prêtes à l'emploi. Ceci est vrai individuellement et collectivement.

La culture de l'entreprise qui est faite de la sédimentation de son passé peut la tromper et l'empêcher de voir ce qui risque réellement de se passer. Pas facile pour une dinde de comprendre ce que veut dire Noël et en quoi cela la concerne. Si la dinde cherche autour d'elle ce qu'elle a toujours connu, pensé ou rencontré, elle n'a aucune chance.

Tout commence donc par faire le vide pour être prêt à recevoir, percevoir et comprendre ce qui se passe et vers quoi vont les choses :
- Apprendre à être là sans a priori pour être réceptif à l'autre et à l'inattendu,
- Développer une capacité d'attention qui dépasse la simple observation passive,
- Ne pas se contenter d'accepter intellectuellement l'incertitude, mais mettre ses actes en conformité avec cette acceptation. »3
(1) Nassim Nicholas Taleb, Le Cygne Noir, p.71-72
(2) Issu des Voyages en Italie, à la date du 11 décembre, et cité par Claude Lévi-Strauss (Tristes Tropiques, p.44)

(3) Extrait des Mers de l'incertitude p.82-83