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11 mai 2015

LE MANAGEMENT EST UNE AFFAIRE DE JEUX DE MOTS

Vidéo « Les Radeaux de feu »
Nous pensons au travers de nos langages. Aussi les mots ne sont-ils pas seulement un enjeu pour la communication.

13 avr. 2015

LES DÉFIS DU DIRIGEANT DANS LE MANAGEMENT PAR ÉMERGENCE

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension
Le radeau des fourmis de feu flotte cahin-caha, pris dans les courants tourbillonnants du fleuve gonflé par les pluies diluviennes. Impossible d’éviter cette souche qui vient le percuter, ou ce rocher contre lequel les eaux le télescopent. Qu’importe, il est résilient, et personne ne peut le détruire : les fourmis tiennent bon, et collectivement sont insubmersibles et indestructibles. Rien ne les détourne de leur avancée. Celles qui sont sur la peau du radeau guettent l’opportunité qui permettra d’accoster et de reprendre leur marche en avant terrestre. Tel ce radeau, ainsi va l’entreprise.
Mais les hommes et les femmes qui le composent ne sont pas des fourmis : chacun est riche de sa personnalité, de son histoire, de ses compétences, de ses rêves, de ses envies, de sa compréhension. La cohésion de l’ensemble résulte, comme nous venons de le voir, de processus beaucoup plus subtils, tissés de confiance et confrontation, associant lâcher-prise, vision commune, geste naturel et prise d’initiatives. Aussi pour faire que ce radeau collectif ne soit pas le jouet des événements, et que ce ne soit pas le fleuve et les éléments qui choisissent sa destination, l’art du management doit être également subtil : il ne peut être question pour le dirigeant de se voir ni comme une reine véhiculée et protégée passivement par ses troupes, ni comme un Dieu tout puissant, sachant tout et décidant de tout.
À lui et à son équipe de direction de trouver le cap, de faire que la rivière devienne fleuve, d’apporter confiance et stabilité, de créer les conditions pour que chacun puisse effectivement agir individuellement et collectivement… Pour cela, il doit agir dans le non-agir, décider par exception, accompagner et soutenir, jamais ne cesser de vouloir mieux comprendre et apporter du sens.
Tels sont les défis du dirigeant dans le management par émergence.
(extrait des Radeaux de feu)

10 déc. 2014

PARIER SUR L’INTELLIGENCE ET LA RESPONSABILITÉ

Reinventing organizations (14)
Revenons sur chacune des trois ruptures.
D’abord l’auto-management.
Pour simplifier l’idée, elle repose sur le constat suivant : puisque chaque membre d’une entreprise est un adulte, souvent à la tête d’une famille, doué du droit de vote, pourquoi ne pas lui faire confiance, et le traiter comme un enfant qu’il faut constamment surveiller et à qui l’on doit dire quoi faire et comment ?
Pourquoi ne pas parier sur l’intelligence individuelle et collective ? 
Car aucune situation n’est vraiment identique à une autre, le monde est trop incertain, les talents et les motivations trop divers pour que des chefs même éclairés puissent faire des choix plus pertinents que ceux vivent le réel et y sont physiquement confrontés.
Dès lors plus besoin d’encadrement, plus de distinction entre cols bleus et cols blancs, plus d’exécutants entourés de chefs et sous-chefs.
Un des exemples sur lequel Frédéric Laloux prend appui est l’entreprise Favi longtemps dirigée par Jean-François Zobrist. 
Dans un article diffusé le 13 décembre 2012,  « La confiance doit remplacer le contrôle », j’avais moi-même sur mon blog parlé du mode de management insolite de cette fonderie.
Cet exemple a lui seul montre que non seulement c’est possible, mais que cela aboutit à développer la résilience de l’entreprise, sa performance et son développement.
Et pourtant cela reste un cas bien isolé….
(à suivre)

17 nov. 2014

UN LIVRE RARE SUR LE MANAGEMENT

Reinventing organizations (1)
Rares sont les livres de management qui apportent à la fois un regard neuf, global, s’appuyant sur des faits et une mise en perspective historique de leurs propos.
Le plus souvent, on n’a droit qu’à l’un des trois : 
- Des livres mettent l’accent sur une rupture, mais sans être capables de la resituer ni dans une perspective d’ensemble, ni dans une logique factuelle et historique. On se trouve alors face à une « anecdote », qui peut être certes intéressante, mais dont la pertinence et la portée sont d’abord affaires de dogme.
- D’autres sont globaux et systémiques, et, s’ils peuvent être une clé de lecture enrichissante, ils n’apportent pas de solutions nouvelles. Plus leurs propos sont documentés, plus l’analyse sera utile pour comprendre le présent. Mais ils restent pauvres pour penser au futur.
- Enfin  ceux qui ne font qu’accumuler des faits et des expériences historiques, laissent aux lecteurs le travail de la réflexion. Ce sont des bases documentaires pertinentes, mais l’essentiel du travail reste à faire.
Le livre de Frédéric Laloux, « Reinventing organizations », appartient à cette race rare qui allie les trois. On peut aussi écouter sa conférence faite en français
Déjà une première raison pour en faire un compte-rendu long sur mon blog.
Un autre intérêt de ce livre est que, même s’il s’adresse d’abord aux entreprises et à ceux qui les dirigent, il est aussi une aide précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à la politique et aux modes de pilotage des structures publiques. Un État n’est en effet jamais qu’une collectivité humaine plus large et plus complexe.
Comme c’est une de mes préoccupations majeures est de réfléchir à comment refonder la France et faire émerger un nouveau mode de pilotage des politiques publiques, c’est une deuxième raison pour chroniquer ici ce livre. Je vais donc émailler ma chronique de réflexions et interrogations personnelles qui me viennent en écho.
(à suivre)

25 sept. 2013

LA CONFIANCE DOIT REMPLACER LE CONTRÔLE

Pourquoi faire payer un café si le temps pour trouver l’argent coûte plus cher en temps d’arrêt machine ?
Le 22 novembre, l’École de Paris du Management a donné la parole à Jean-François Zobrist, patron atypique, qui a fait de la fonderie Favi, un leader mondial dans son domaine. Dans cette entreprise de plusieurs de centaines de personnes, Jean-François Zobrist a remis en cause bon nombre des règles habituelles de l’organisation et du management.
Son approche repose sur quelques convictions simples :
- C’est l’homme, et lui seul, qui est capable de manager l’incertain : ayant grandi dans la jungle, ayant appris à lire les traces incertaines des proies potentielles ou à réussir la culture dans les aléas de la météo, nos systèmes inconscients se sont construits pour y faire face.
- L’homme est bon : il ne vole pas, il est intelligent, il n'est pas paresseux, il n'a pas besoin d'objectif ou de prime individuels, il ne fait pas exprès d'arriver en retard, il sait s'organiser, il est hyper réactif, il a une conscience innée de la qualité…
- La confiance doit remplacer le contrôle : quand on fait confiance, on le fait totalement et sans réserve,
- Il n’y a pas de performance sans bonheur,
- L’amour du client
Le plus étonnant dans son approche n’est pas tant ce discours que l’on peut rencontrer auprès d’autres personnes (malheureusement trop rares…), mais dans le fait qu’il l’a mis en œuvre pendant de longues années et a démontré son efficacité :
- il a effectivement supprimé les fonctions de contrôle, en confiant ce dernier directement aux ouvriers qu’il a mis au cœur de tous les processus,
- il a constitué des mini-usines de quelques dizaines de personnes organisées autour d’un client ou d’une famille produits, et regroupant ouvriers et commerciaux autour d’un chef élu par eux,
- il a suivi en permanence le cash-flow, qui, selon sa métaphore, est l’oxygène de l’entreprise, c’est-à-dire ce flux indispensable à la vie,
- il a accéléré tous les processus, en développant l’auto-organisation,
Pour en savoir plus sur ce qu’il a mis en œuvre de nombreuses vidéos de ses différentes interventions sont disponibles sur YouTube. Voir aussi la page présentant le management et le système Favi.

23 mai 2013

AVOIR UN PROJET SUR LES ORGANISATIONS PUBLIQUES

Management politique et organisation publique (3)
Un leader politique dans nos sociétés contemporaines et démocratiques, doit donc avoir compris que le temps du dirigeant qui, fort de son pouvoir de décision, pouvait décider de tout était bien révolu.
Mais lui suffit-il d’avoir cette capacité de sentir ce qui est dans l’air et vers quoi tendent les évolutions, telle que je l’évoquais hier ?  Doit-il se contenter de la faire partager pour qu’elle se cristallise ? Ou formulé autrement, la vision et la parole sont-elles suffisantes ?
Non, car pour revenir sur la comparaison avec le management des entreprises, ce serait commettre la même erreur qu’un dirigeant qui ne s’intéresserait pas à la méta-organisation, c’est-à-dire selon quels principes son entreprise est structurée.
Pour diriger et faciliter les émergences, dire et faire partager sont nécessaires, mais il faut aussi mettre chacun en situation de mieux agir, et donc se préoccuper de son cadre de vie, de la clarté de sa mission propre et de son articulation avec les autres. Ce sans sombrer dans le détail des organisations, mais en restant au niveau des principes, pour laisser les managers locaux et les acteurs en place les définir précisément.
Aussi suis-je surpris – c’est un euphémisme – du peu de place accordée par les politiques à la réflexion sur les organisations de l’État.
Comment ne pas voir que ce n’est pas du seul énoncé d’un projet que le changement naîtra ? Pourquoi nommer de nouveaux ministres, sans repenser en profondeur la façon dont l’action publique est conduite, et donc ses organisations ? Pourquoi ne se poser la question de l’organisation de l’État qu’une fois arrivé à la direction des affaires publiques ? N’est-il pas naïf de demander à ceux qui sont en place de se transformer d’eux-mêmes au vu de ce projet ?...
Ne serait-il pas pertinent dès l’élaboration d’un programme politique d’avoir une réflexion sur l’organisation du système public ? Ne devrait-elle pas aussi porter sur l’ensemble du champ de ces organisations, et donc inclure tant les institutions européennes, que les structures locales – Région, Département, Communes - ?
Ne serait-il pas légitime pour les citoyens de choisir non pas seulement sur des intentions et des affirmations, mais aussi sur les principes des modalités d’action ?

22 mai 2013

SAVOIR VOIR CE QUI VA ADVENIR

Management politique et organisation publique (2)
Comme je le rappelais hier, diriger un grande entreprise, c’est savoir que ses propres décisions sont finalement de peu de poids au regard tout ce qui s’y décide, que la performance est de plus en plus une phénomène émergent, et que son rôle est de matérialiser une vision et des principes d’action, et de s’assurer qu’ils se diffusent effectivement dans l’entreprise.
Eh bien, je crois que ceci est encore plus vrai pour la conduite des États modernes.
En effet, les différentes remarques faites sont encore plus exactes :
- Les organisations y sont encore plus vastes, multiples et diverses. On décide constamment, de partout, et souvent à cause de la décentralisation et de l’autonomie des habitants, sans suivre un quelconque ordre venant du sommet. Aussi si un homme politique croît que diriger, ce n’est que décider, quel contresens !
- Les mouvements, qu’ils soient positifs ou négatifs, sont de plus en plus émergents, et spontanés, c’est-à-dire sans avoir été ni provoqués par une cause clairement identifiable, ni pilotés par des acteurs précis. Au temps des réseaux sociaux, de l’entremêlement des combinaisons possibles, et des individualismes croissants, bien malin celui qui peut démêler les fils…
- Le leader politique n’est donc plus tant celui qui décide, que celui qui est capable d’anticiper le cours des évolutions, de cristalliser les énergies latentes en les faisant adhérer à ce futur imaginé… et de laisser chacun libre, autonome et face à ses propres responsabilités.
Mais est-ce vraiment suffisant ?
(à suivre)

21 mai 2013

DIRIGER N’EST PLUS DÉCIDER... PLUS SEULEMENT

Management politique et organisation publique (1)
Sans vouloir dire qu’exercer une responsabilité politique ou diriger un pays s’apparente à diriger une grande entreprise, il n’en reste pas moins que, du point de vue du management, des points communs réels existent :
- Les entreprises, et singulièrement les plus grandes, c’est-à-dire celles qui regroupent plusieurs dizaines de milliers, voire plusieurs centaines de milliers de personnes, et opèrent mondialement, sont des organismes vivants, mouvants et complexes. En leur sein, le poids réel et direct des décisions prises par leurs dirigeants est de peu de poids au regard du nombre de décisions qui sont prises constamment de toutes parts, dans l’entreprise, chez ses fournisseurs, ses clients et dans son environnement.
- Aussi la problématique contemporaine du dirigeant, surtout vu l’accroissement continu et constant de l’incertitude, n’est-elle plus tant sa capacité à décider, mais l’émergence : comment faire qu’un ensemble composé d’individus responsables et autonomes, soumis chacun à un réseau de contraintes et d’opportunités qui leur sont propres, va globalement aller dans une direction donnée et se renforcer au cours du temps.
- Atteindre un tel objectif, suppose que le dirigeant soit capable de fixer une vision et des principes d’actions qui, tout en formalisation la destination commune et en donnant de sens aux actions locales, laissent chacun apte à tirer parti de la situation réelle, et à affirmer sa liberté.
- A côté de cette vision et ces principes d’action qu’il faut non seulement définir, mais diffuser au sein de l’entreprise, une autre responsabilité-clé du dirigeant est la conception et la mise en place des principes d’organisation : ces principes, appelés aussi méta-organisation, ne définissent pas dans le détail, les structures, mais dessinent comment l’entreprise est structurée (autour de ses produits, de ses clients, de ses géographies), et quelles sont les expertises critiques à constituer.
(à suivre)

11 mars 2013

100% DES GAGNANTS ONT TENTÉ LEUR CHANCE

Vers un monde de la compétition et du jeu ? (Démocratie 5)
Dans ce monde de la singularité, Pierre Rosanvallon évoque trois croyances clés :
- Le mérite : « J’ai gagné, mais je le méritais ». Les différences sont justifiées au nom d’un écart objectif. Mais comment peut-on le mesurer ? Ce n’est facile à définir que négativement.
- Le hasard : « J’ai gagné, parce que j’ai eu de la chance. ». Les différences sont justifiées au nom de la chance et du hasard.
- La responsabilité : « J’ai gagné, mais je vais aider les autres. ». Les différences sont explicables, mais doivent être compensées. Elle revient en ce moment et fait le rapport entre action et volonté. Elle se traduit par le besoin de réparation d’un nombre croissant de sinistres et d’indemnisation.
Pour aller plus en avant, Pierre Rosanvallon évoque alors Roger Caillois qui classe les jeux en quatre catégories1 :
- La compétition : le sport, les examens,
- L’aléa ou la chance : les loteries, la spéculation boursière,
- Le simulacre : le spectacle, le carnaval, le cinéma, la reconstruction de la réalité,
- Le vertige : la griserie, le test de ses limites, l’alpinisme, la vitesse, la drogue
Le monde du simulacre est celui des artistes. Ce sont des êtres singuliers, intrinsèquement liés à la singularité. Ils ont tous les autres comme public, et ont l’écho de tous. Les inégalités sont spectaculaires (les écarts de revenus), mais elles sont acceptées, car il y a une légitimation particulière, et une concurrence par l’originalité : on peut mépriser ceux qui vendent beaucoup de livres, on peut être reconnu en n’étant apprécié que par un. On a alors le sentiment d’appartenir à une aristocratie, et si le succès est incertain, il peut dépendre à la fois du mérite et de la chance.
Le monde du vertige n’est pas celui du social, il est juste celui des extrêmes, de ceux qui sont à la marge du monde.
Restent donc les deux premiers qui sont essentiels dans les sociétés modernes, et sont de plus en plus liés : on parie sur le sport. La compétition sportive qui est récente, représente la concurrence salutaire, l’apprentissage du « struggle for life », le respect du gagnant et du perdant, la justification des inégalités. Dans la compétition, comme dans l’aléa, ce sont les règles qui ont importantes pour l’égalité des chances. Apparaissent aussi les courses à handicap.
Faut-il alors aller vers une société de concurrence généralisée, en faisant de l’idée de compétition la forme sociale généralisée, ou vers une égalité radicale des chances avec la constitution d’un anti-hasard, avec des individus débarrassés de leurs conditionnements sociaux ?
(Article paru le 2 octobre 2012)
(1) Voir son livre « Les jeux et les Hommes »

29 janv. 2013

POURQUOI L’ART DU MANAGEMENT SERAIT-IL PLUS FORT QUE L’ART DE LA GUERRE ?

Il y a un découplage de fait entre pensée théorique et action sur le terrain
Léon Tolstoï, dans Guerre et Paix, dresse un tableau de la campagne de Russie de Napoléon, bien loin de ce que j’avais retenu de mes cours d’histoire. Le déroulement est d’abord le fruit de hasards, de malentendus, de chances et malheurs. Napoléon se croyait, selon lui, aux commandes, alors que, dans la réalité, sa Grande Armée agissait d’elle-même : « A la suite de ces rapports, faux par la force même des circonstances, Napoléon faisait des dispositions qui, si elles n’avaient pas déjà été prises par d’autres d’une manière plus opportune, auraient été inexécutables. Les maréchaux et les généraux, plus rapprochés que lui du champ de bataille et ne s’exposant aux balles que de temps à autre, prenaient leurs mesures sans en référer à Napoléon, dirigeaient le feu, faisaient avancer la cavalerie d’un côté et courir l’infanterie d’un autre. Mais leurs ordres n’étaient le plus souvent exécutés qu’à moitié, de travers ou pas du tout. »
Ce découplage entre la réalité du terrain et la théorie pensée dans les états-majors, est d’ailleurs ce qui fait choisir au prince André Bolkonsky le champ de bataille : « Le rapport de forces de deux armées reste toujours inconnu. Crois-moi : si le résultat dépendait toujours des ordres donnés par les états-majors, j’y serais resté, et j’aurais donné des ordres comme les autres. » 
Pourquoi diable le management d’entreprises se croit-il trop souvent plus fort que Napoléon et que les plus grands chefs de guerre ? Pourquoi n’admet-il pas que l’art du management est souvent, certes d’aller vers l’objectif que l’on s’est fixé, vers cette mer qui, à l’horizon, attire le cours du fleuve de l’entreprise, mais non pas à partir de plans détaillés, de business plans ciselés, de tableurs excel prétendant modéliser le futur ?
Il est temps d’admettre qu’il y a nécessairement un découplage entre la pensée théorique et la volonté d’une Direction Générale, et la réalité de ce qui advient et l’action de tous ceux qui composent l’entreprise.
Aussi l’art du management est comme l’art militaire de savoir réellement tirer parti de l’énergie locale, et de la compréhension dynamique et décentralisée, c’est-à-dire de faire de l’entreprise un corps vivant, réactif et alliant souplesse et cohésion. Et comprenons comme le prince André Bolkonsky, que c’est cette incertitude qui donne tout son poids et son intérêt à ceux qui sont en première ligne !

13 déc. 2012

LA CONFIANCE DOIT REMPLACER LE CONTRÔLE

Pourquoi faire payer un café si le temps pour trouver l’argent coûte plus cher en temps d’arrêt machine ?
Le 22 novembre, l’École de Paris du Management a donné la parole à Jean-François Zobrist, patron atypique, qui a fait de la fonderie Favi, un leader mondial dans son domaine. Dans cette entreprise de plusieurs de centaines de personnes, Jean-François Zobrist a remis en cause bon nombre des règles habituelles de l’organisation et du management.
Son approche repose sur quelques convictions simples :
- C’est l’homme, et lui seul, qui est capable de manager l’incertain : ayant grandi dans la jungle, ayant appris à lire les traces incertaines des proies potentielles ou à réussir la culture dans les aléas de la météo, nos systèmes inconscients se sont construits pour y faire face.
- L’homme est bon : il ne vole pas, il est intelligent, il n'est pas paresseux, il n'a pas besoin d'objectif ou de prime individuels, il ne fait pas exprès d'arriver en retard, il sait s'organiser, il est hyper réactif, il a une conscience innée de la qualité…
- La confiance doit remplacer le contrôle : quand on fait confiance, on le fait totalement et sans réserve,
- Il n’y a pas de performance sans bonheur,
- L’amour du client
Le plus étonnant dans son approche n’est pas tant ce discours que l’on peut rencontrer auprès d’autres personnes (malheureusement trop rares…), mais dans le fait qu’il l’a mis en œuvre pendant de longues années et a démontré son efficacité :
- il a effectivement supprimé les fonctions de contrôle, en confiant ce dernier directement aux ouvriers qu’il a mis au cœur de tous les processus,
- il a constitué des mini-usines de quelques dizaines de personnes organisées autour d’un client ou d’une famille produits, et regroupant ouvriers et commerciaux autour d’un chef élu par eux,
- il a suivi en permanence le cash-flow, qui, selon sa métaphore, est l’oxygène de l’entreprise, c’est-à-dire ce flux indispensable à la vie,
- il a accéléré tous les processus, en développant l’auto-organisation,
Pour en savoir plus sur ce qu’il a mis en œuvre de nombreuses vidéos de ses différentes interventions sont disponibles sur YouTube. Voir aussi la page présentant le management et le système Favi.

3 oct. 2012

NI NÉO-LIBÉRALISME, NI ÉGALITARISME, ALORS QUOI ?

Entre Charybde et Scylla (Démocratie 6)
Faut-il aller vers la société de concurrence généralisée ou vers l’égalité radicale des  chances ?
Pierre Rosanvallon analyse chacune des options :
1. La société de concurrence généralisée
Le néo-libéralisme contemporain veut que la concurrence établisse un vrai rapport entre les hommes. C’est une forme de retour aux fondements du 18ème siècle qui ne voyait pas le libéralisme que comme un marché, mais aussi comme un fondement social.
Il repose sur une anthropologie du risque et de l’autonomie comme norme : comme le risque est la vraie nature de l’homme, être égaux c’est accepter le jeu, participer à la compétition. L’autonomie devient une norme d’action, c’est une injonction, ce n’est plus un projet. Elle s’oppose à la vision de Marx : la surpersonnalisation en réponse à la réification, se dépasser pour se réaliser et ne plus être exploité.
Dans cette vision, le consommateur est la figure et la mesure de l’intérêt général à la place du producteur : le consommateur devient l’individu en économie, et non plus le travailleur ou le citoyen. Les rentes sont détruites par la machine de la concurrence. La concurrence est la forme sociale générale, elle est la procédure institutrice du rapport social. Les seules institutions nécessaires sont celles qui la garantissent, celles qui définissent et mettent en place la juste concurrence.
Trois obstacles :
- Elle n’apporte pas de réponses aux écarts de revenus : La rémunération des 200 plus grands PDG américains représentait 35 fois celle de l’ouvrier de production en 1974, et 160 en 1990. Il n’y a pas de théorie de marché qui réponde à cet écart.1
- A cause des effets de marché, le gagnant prend tout : Lié à l’accès universel et au développement de la mondialisation, il y a une prime excessive aux premiers. Ceci se retrouve aussi bien dans le domaine sportif ou artistique, que pour les grands crus de Bordeaux.
- Les positions d’arbitrage et les edge funds polarisent les profits : avec 300 salariés ils font les profits d’une société de 30 000 personnes, et gagnent ce que perdent tout le reste de l’économie.
2. L’égalité radicale des chances
Si l’on veut donner à tous, les mêmes chances, que faut-il égaliser ?
Est-ce les biens primaires, les ressources, les conditions d’accès, … ? Faut-il le faire pour les conditions initiales ou de façon permanente et dynamique ?
Comment aussi ne pas faire disparaître toute responsabilité ? Comment inclure ce qui relève des choix, et non pas des circonstances ? Et comment séparer ce qui est hasard de ce qui est justement choix ? Est-ce que celui qui traverse une rue au feu rouge doit toujours être tenu pour responsable, alors que le fumeur doit être absous de sa responsabilité, parce que soumis à sa classe sociale et à ses habitudes ?
La famille étant un frein à cette égalité radicale, faudrait-il soustraire les enfants à l’influence des parents ? Et quid des successions ?
Bref, une telle vision, de proche en proche, en vient à développer une éthique de la défiance.
Seule n’est donc possible qu’une vision pragmatique qui ne cherche pas à tout régler… et qui, du coup, justifie les écarts que créent justement la société de concurrence généralisée…

Pierre Rosanvallon conclut son cours en rejetant donc ces deux options dominantes, tant la société de concurrence généralisée que l’égalité des chances, comme étant des réponses pertinentes à la crise de l’égalité.
Il en appelle à un retour aux sources de la Révolution, avec une égalité focalisée sur celle des relations autour de la singularité, de la réciprocité et de la communalité, propos qu’il devrait développer dans un prochain livre…
(1) C’est une coalition sociale entre les conseils d’administration et les directions qui aurait permis cela (livre de Palomino – Cepremap - Éditions de la rue d’Ulm - Comment faut-il payer les patrons)

2 oct. 2012

100% DES GAGNANTS ONT TENTÉ LEUR CHANCE

Vers un monde de la compétition et du jeu ? (Démocratie 5)
Dans ce monde de la singularité, Pierre Rosanvallon évoque trois croyances clés :
- Le mérite : « J’ai gagné, mais je le méritais ». Les différences sont justifiées au nom d’un écart objectif. Mais comment peut-on le mesurer ? Ce n’est facile à définir que négativement.
- Le hasard : « J’ai gagné, parce que j’ai eu de la chance. ». Les différences sont justifiées au nom de la chance et du hasard.
- La responsabilité : « J’ai gagné, mais je vais aider les autres. ». Les différences sont explicables, mais doivent être compensées. Elle revient en ce moment et fait le rapport entre action et volonté. Elle se traduit par le besoin de réparation d’un nombre croissant de sinistres et d’indemnisation.
Pour aller plus en avant, Pierre Rosanvallon évoque alors Roger Caillois qui classe les jeux en quatre catégories1 :
- La compétition : le sport, les examens,
- L’aléa ou la chance : les loteries, la spéculation boursière,
- Le simulacre : le spectacle, le carnaval, le cinéma, la reconstruction de la réalité,
- Le vertige : la griserie, le test de ses limites, l’alpinisme, la vitesse, la drogue
Le monde du simulacre est celui des artistes. Ce sont des êtres singuliers, intrinsèquement liés à la singularité. Ils ont tous les autres comme public, et ont l’écho de tous. Les inégalités sont spectaculaires (les écarts de revenus), mais elles sont acceptées, car il y a une légitimation particulière, et une concurrence par l’originalité : on peut mépriser ceux qui vendent beaucoup de livres, on peut être reconnu en n’étant apprécié que par un. On a alors le sentiment d’appartenir à une aristocratie, et si le succès est incertain, il peut dépendre à la fois du mérite et de la chance.
Le monde du vertige n’est pas celui du social, il est juste celui des extrêmes, de ceux qui sont à la marge du monde.
Restent donc les deux premiers qui sont essentiels dans les sociétés modernes, et sont de plus en plus liés : on parie sur le sport. La compétition sportive qui est récente, représente la concurrence salutaire, l’apprentissage du « struggle for life », le respect du gagnant et du perdant, la justification des inégalités. Dans la compétition, comme dans l’aléa, ce sont les règles qui ont importantes pour l’égalité des chances. Apparaissent aussi les courses à handicap.
Faut-il alors aller vers une société de concurrence généralisée, en faisant de l’idée de compétition la forme sociale généralisée, ou vers une égalité radicale des chances avec la constitution d’un anti-hasard, avec des individus débarrassés de leurs conditionnements sociaux ?
(à suivre)
(1) Voir son livre « Les jeux et les Hommes »