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19 nov. 2014

LE « JE ÉLARGI »

Reinventing organizations (3)
Deuxièmement, avec Internet, chacun de nous mute et s’écarte chaque jour davantage de ce qu’a été jusqu’à présent l’être humain. 
En effet qu’est-ce que penser consciemment ?
C’est en résumé, recueillir des données sur une situation présente, ce via nos cinq sens, les enrichir grâce à notre mémoire de ce que nous avons vécus ou appris, et construire avec tout cela des scénarios.
En quoi Internet vient-il tout changer ?
D’abord tuons tout de suite le mythe du virtuel face au réel. Pour le cerveau, le réel n’existe pas. La seule chose qui existe, ce sont les signaux chimiques et électriques qui l’habitent. Les informations apportées par Internet ne sont ni plus, ni moins réelles que les autres. Simplement si elles sont en contradiction ou différentes de celles perçues par nos cinq sens, notre cerveau pourra faire la distinction. Ni plus, ni moins.
Revenons donc sur notre processus de pensée, et voyons comment Internet le modifie.
D’abord il nous donne accès à de nouvelles données : avec Internet, je peux savoir ce qui se passe à distance. Un sixième sens en quelque sorte. Ou une extension géographique de nos cinq sens si vous préférez.
Ensuite, Internet nous apporte une nouvelle mémoire. Avec les moteurs de recherche, avec le développement des tags, avec la multiplication des réseaux sociaux et tous les systèmes experts, j’enrichis ma perception de la réalité de milliards d’informations accumulées par d’autres.
Enfin, toujours grâce à Internet, je dispose de nouvelles puissances de calcul qui m’aident à analyser la situation et à construire des scénarios.
Nous voilà donc des mutants ! Sans nous en rendre compte, nous nous éloignons de plus en plus de celui que nous étions il y a dix ans. Chacun atteint une puissance individuelle jamais atteinte.
Et ce n’est pas fini : l’hybridation entre technologie de l’information et biologie n’a quasiment pas commencé.
(à suivre)

24 oct. 2012

SUR INTERNET, ON DÉMONTE L’INFORMATION COMME LES ARMOIRES

La mémoire, le transport des armoires et internet (3)
Quel est le lien entre les armoires, le démontage et la mémoire ? Il est direct, comme vous allez bientôt le voir. Mais avant, faisons un détour supplémentaire, et intéressons-nous au cas de l’internet.
Quelles sont les astuces qui ont permis le développement de ce réseau mondial ? L’une d’elles est que l’information n’y circule pas dans son état initial, mais découpée en petits morceaux. Ceux-ci ne voyagent pas tous ensemble, chacun prenant le chemin qu’il veut, celui qui se présente à lui, et qui lui semble le meilleur. Circule aussi le plan, car, comme pour l’armoire, au moment où l’information est désagrégée, chaque bribe est numérotée, et un schéma élaboré.
A l’arrivée, l’information est reconstituée. Comme elle a été éclatée en un très grand nombre d’éléments, si jamais quelques-uns manquent, ce n’est pas très grave, le sens n’est pas perdu. Au fur et à mesure de leur arrivée, les pièces du puzzle s’assemblent. A partir d’un moment, l’information initiale émerge. D’où deux notions essentielles : la limite des pertes et la vitesse de récupération. Dans les débuts de l’internet, le réseau pêchait beaucoup sur cette deuxième dimension, et le célèbre www était traduit en « world wide waiting » : « tout le monde attend » !
C’est pourtant bien la désagrégation des données qui a permis le développement de l’internet : on est capable de déplacer de très grandes quantités d’information dans des tuyaux de capacité moindre. De plus, le réseau est moins vulnérable, puisque les chemins sont multiples et changeants. On peut parler d’une forme de plasticité du système. Il sait s’adapter à des crises.
(à suivre)

4 oct. 2012

« INTERNET POUSSE LES MURS ET ENLÈVE LES PLANCHERS ! »

Sommes-nous égaux face à Internet ? (Démocratie 7)
Le 10 mars 2010, Dominique Cardon, sociologue, est intervenu dans le cadre du cours de Pierre Rosanvallon au Collège de France. Sa conférence1 est un tour d’horizon complet et facile d’accès sur les rapports en Internet et la démocratie.
Il y aborde les points suivants :
- Le flou entre les mondes de l’information privée et publique : on passe progressivement de l’un à l’autre. Ainsi sur un profil Facebook, on va trouver aussi bien des commentaires d’ordre strictement privé (comme une fête de famille ou des troubles de santé récent) que des prises de position sur des faits de société. Selon Dominique Cardon, c’est l’internaute qui fait le tri, s’abstenant de commenter ce qui appartient à la sphère privée s’il n’en fait pas partie, ou intervenant dans un propos portant sur un débat plus large.
- L’idéalisation de l’égalité présupposée : sur Internet, personne n’est jugé ni à partir de ce qu’il est, ni de son statut, mais en fonction de ce qu’il dit et fait dans ce nouveau monde. C’est le cas de Wikipédia où ce n’est pas la position sociale qui apporte de l’autorité, mais son degré d’implication dans cette encyclopédie en ligne. Dominique Cardon relève que ceci ne va pas sans une forme d’injonction à participer, créant une nouvelle forme d’inégalité : la démocratie participative promeut les hyperactifs et nie de fait ceux qui ne s’impliquent pas.
- L’auto-organisation : la publication se fait « par le bas », il n’y a pas de plan a priori. Tout est assemblage, impossible à prévoir. Les conversations privées et les commentaires généraux sont entremêlés, et leur statut même est évolutif. Les périmètres sont flous, et les niveaux d’engagements très variables, les plus actifs étant à l’origine de la majeure partie de l’information.
- La hiérarchisation a posteriori par la foule : aucun système ne définit a priori ce qui est important de ce qui ne l’est pas. C’est la multiplication des liens, l’abondance des lectures qui font apparaître en haut des moteurs de recherche certaines informations plutôt que d’autres. C’est le fait d’être choisi par le plus grand nombre qui fait que l’on est vu encore davantage. 
- La force des coopérations faibles : on commence en disant un peu de soi-même, et en précisant ce que l’on aime et ce à quoi l’on croît. Ceci amène certains à se connecter par affinité. La coopération et le partage se renforcent ensuite, et des communautés se créent. Ainsi à la différence du monde physique, le collectif n’existe pas au départ, mais émerge à partir de dynamiques individuelles et autonomes.
Il a une belle formule, « Internet pousse les murs et enlève les planchers » : quiconque peut parler, il y a une porosité entre conversations publiques et privées, on ne fait plus confiance à des professionnels, mais à la force de l’agora publique pour faire émerger les propos intéressants.
Reste à se demander ce qu’il va advenir suite à la massification d’Internet : toutes ces règles et ces habitudes sont nées avec une communauté limitée et un peu élitiste.
Que va devenir demain Internet, pris entre quelques individus extrêmement entraînés et sans scrupules qui ont appris à en manipuler  les règles à leur profit, et une masse qui ne se rend pas compte que chacun est constamment soumis au regard de tous les autres et qu’il propage sans réfléchir un effet viral qui le dépasse ?

(1) Elle est accessible en ligne sur le site du Collège de France