Affichage des articles dont le libellé est Education. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Education. Afficher tous les articles

23 avr. 2018

HALTE AUX MBA, VIVE LES MBU !

L'art du management est-il d'administrer ou de comprendre ?
Dans le nirvana des diplômes internationaux, les MBA, ces "Master of Business Administration", planent au-dessus du lot. Ils sont devenus la référence absolue, une sorte de Saint Graal pour tout cadre voulant passer à la catégorie dirigeant.
Sans entrer dans l'analyse du contenu de ces MBA, ni vouloir remettre en cause la pertinence de ces formations, je trouve très symptomatique cette appellation « Administration ».
Entendue depuis le sens du mot en français, elle renvoie à des références pour le moins surprenantes : est-ce à dire que le management moderne cherche ses références dans l'Administration ? Ou alors que l'art du management est celui d'administrer des médicaments ou des suppositoires ?

Entendue depuis le sens du mot en anglais, elle renvoie à la gestion de ce qui existe : diriger serait alors celui de simplement gérer au mieux, le bon manager étant un bon administrateur ? Cela suppose-t-il que l'entreprise doit être mathématisée pour pouvoir être comptée et additionnée ?
Je sais bien sûr que les MBA ne tombent pas dans ces caricatures, mais il n'est pas innocent d'avoir choisi ce nom. Ne serait-il pas préférable de les appeler des MBU, « Master of Business Understanding » ?
Car, dans ce monde de l'incertitude et de la complexité, être un bon dirigeant, c'est sentir les mers qui attirent les évolutions, imaginer les chemins pouvant réunir le présent et ce futur, trier parmi les activités actuelles celles qui concourent à se rapprocher de cette mer, développer une culture alliant confiance et confrontation, permettre à l'entreprise de décider et évoluer efficacement…
Réussir repose alors d'abord sur la capacité à comprendre en profondeur, et bien peu sur celle d'administrer…

29 janv. 2018

LA RESTAURATION DE L’AUTORITÉ DU PROFESSEUR N’EST PAS LA PANACÉE MIRACLE

Que l’Éducation sorte de l’évaluation strictement individuelle et de la reproduction des connaissances préformatées, pour devenir le lieu de l’apprentissage de l’innovation et du travail en groupe
Ah qu’il était beau le temps de l’Éducation Nationale d’antan, celui des blouses grises, des élèves bien sages, alignés en rang avant d’entrer en classe, assis sur des tables en bois avec l’encrier dans lequel chacun plongeait soigneusement sa plume, récitant tous ensemble un poème, regardant respectueusement le détenteur du savoir…
J’en parle en connaissance de cause, j’y étais... sur un banc et dans les rangs.
Souvenir des relations rigides entre la maîtresse ou le maître et les collégiens, des leçons multiples à apprendre par cœur, des devoirs faits en silence, de l’interdiction de parler à ses voisins, des heures de colle passées à remplir des pages et des pages.
Régnaient alors l’ordre, l’obéissance, la reproduction des connaissances. Pas d’improvisation, presque pas d’imagination. L’excellence était purement individuelle, aucun travail en groupe.
Quelques années plus tard, quand j’ai plongé dans le monde des entreprises, j’ai découvert l’importance du travail collectif : rien ne s’y fait de façon solitaire. Bien, bien loin des méthodes de travail solitaire et du mode d’évaluation purement individuel de l’école.
Aujourd’hui sous l’effet de la transformation rapide de notre monde, cet écart est devenu un gouffre :
- L’incertitude explose, de nouvelles technologies naissent et se diffusent rapidement, aucune position n’est acquise, bref tout bouge et de plus en plus vite : il ne s’agit plus de reproduire des concepts passés, mais d’en inventer de nouveaux, de mobiliser ses connaissances non pas pour copier, mais pour créer.
- Les capacités de stockage deviennent quasiment infinies et l’accès à ces mémoires externes immédiat et sophistiqué. Aussi la performance des individus repose moins sur la qualité de leur mémoire personnelle, que sur leur capacité à savoir efficacement accéder aux données, les vérifier et les exploiter.
- Les lignes hiérarchiques rigides et verticales sont de plus en plus contreproductives, et la prise d’initiative est essentielle pour sortir des idées reçues. Les relations sont de plus en plus décloisonnées et fluides, en évitant les effets hiérarchiques intangibles. Les organisations deviennent horizontales et transverses, et l’encadrement fonctionne de plus en plus collégialement, même si chacun a une expertise précise et une responsabilité directe distincte.
- La performance est collective et c’est la capacité à travailler en groupe qui fait la différence. Les bons managers sont ceux qui savent créer et animer ces dynamiques collectives, les bons agents sont ceux qui travaillent le mieux avec les autres. Les évaluations de fin d’année se font au travers d’entretiens et de procédures complexes, prenant en compte l’évolution de la personne, sa capacité à travailler avec les autres, les situations auxquelles elle a eu à faire face.
Or l’Éducation Nationale, elle, a bien peu changé quant au travail en groupe, à l’encouragement à l’innovation et à ses méthodes d’évaluation. Elle est restée verticale et continue à ne mesurer que les performances individuelles, le travail en groupe y reste marginal. A la différence des pays de l’Europe du Nord ou anglo-saxons.
Voilà un des grands chantiers à entreprendre… en priorité.
Or si je me réjouis de voir qu’un réel projet de transformation de l’Éducation semble enfin mis sur les rails, si la présence de Stanislas Dehaene à la tête du Conseil scientifique est de bonne augure pour que les découvertes faites par les neurosciences soient enfin prises en compte, je n’entends personne parler de ce double sujet clé : sortir de l’évaluation strictement individuelle et de l’apprentissage à reproduire des connaissances préformatées.
Au moment où les solutions sont collectives, où la performance repose plus sur l’imagination et l’initiative que sur la reproduction de schémas historiques, où la confiance en soi et en les autres est critique, est-il réellement pertinent de continuer à privilégier la relation maître-élève et l’évaluation individuelle ? 
Le temps du fordisme est terminé, nous sommes dans l’économie de la connaissance et de la fluidité !
Or si l’on a grandi dans un environnement où parler avec son voisin était interdit et sanctionné, comment pourrait-on ne pas être freiné dans la collaboration ? Si chacun est constamment évalué, jugé, classé, si l’on peut redoubler, c’est-à-dire rompre les liens sociaux construits avec ses pairs, comment ne pas voir ses peurs grandir ?
Tant que l’on croira en France, qu’il suffit de renforcer l’autorité du maître, tant que l’on ne sera pas passé, comme cela a été fait dans d’autres pays, d’une relation un à un, à une relation communauté d’enseignants à groupe d’élèves, nous resterons avec notre handicap collectif.
Il est urgent et indispensable de faire de l’Éducation le lieu de l’apprentissage du monde d’aujourd’hui et de demain ! 

8 janv. 2015

QUAND LA SHOAH CATALYSE LE CREUSET DE LA DIVERSITÉ

Une ode à la diversité et à la puissance collective
En ce lendemain d'une journée qui a vu l'obscurantisme et l'intégrisme amener une déferlante d'horreur sur la France, il est bon de revenir sur un film qui prône l'ouverture et la diversité

Par quoi commencer ? Comment parler de ce film sans le trahir ? Comment tenter de vous faire partager le flot d’émotions qui vient de me transpercer ?
Probablement, en ne réfléchissant pas trop, en laissant couler ce qui m’a submergé, en donnant le pouvoir à mes doigts qui pianotent devant moi… 
J’espère ainsi que tous ceux qui n’ont pas vu le film, « Les Héritiers », y courront le plus vite possible. Et que tous les autres ne sentiront pas trahi le souvenir qu’ils en ont.
De quoi s’agit-il ? 
Basiquement d’une classe de seconde de banlieue, un lycée de Créteil, et d’une professeur d’histoire, son professeur principal. Tous les poncifs sont là dès le départ : d’un côté, une classe bariolée, insoumise, black blanc beur, un mélange explosif de toutes les religions, allant des insouciants jusqu'à un Olivier devenu Brahim, en chemin sur la voie du fondamentalisme ; de l’autre une professeur qui y croît, sait se faire respecter, passionnée de sa matière et convaincue que l’irrémédiable ne l’est pas. Entre les deux, la société spectatrice incarnée par un proviseur compétent, ouvert mais résigné.
Bien sûr comme vous l’avez déjà compris, la professeur va arriver non pas à dominer cette classe, mais à la faire se révéler. À transformer une collection d’individus qui s’affrontent en un groupe d’adolescents qui se complètent, s’écoutent et se respectent. À faire parler celui qui était muet et exclus. À faire de la diversité non pas une source d’oppositions, mais un creuset pour se comprendre et s’enrichir.
Évidemment d’aucuns pourront traiter de « bisounours » cette vision de la France, mais elle est tirée d’une histoire vraie, et quel rafraichissement en ces temps où l’autre, celui qui est différent, est trop souvent stigmatisé. Le seul qui sera exclus, sera le fondamentaliste. Non pas tant par les autres, mais simplement parce qu’il ne les reconnaît plus, ne les comprend plus. Même lui, à la fin, d’un geste de la main, montrera qu’il est déjà sur le chemin du retour.
Ce qui est le plus intéressant dans ce film, est le catalyseur qui va transformer la classe : le concours national de la résistance et de la déportation. Thème du concours de l’année : les enfants et les adolescents dans les camps de concentration nazis.
Je ne vais pas ici vous raconter le chemin suivi. J’en serais bien incapable, et seules les images peuvent restituer la puissance de ce qui est vécu.
Simplement, à un moment, la classe écoute le récit d’un ancien déporté, enfant de quinze ans alors. En regardant ce passage, j’ai repensé à Shoah, l’extraordinaire film documentaire de Claude Lanzmann. L’image m’a là aussi saisi, bouleversé. La caméra va du visage quasiment impassible du déporté à ceux des adolescents dont, petit à petit, on voit les traits se tirer, puis les larmes couler. La voix est calme, posée, presque clinique.
Parfois en sortant du cinéma, on se sent grandi, renforcé, un peu plus confiant en notre pays et notre capacité à construire un futur collectif, riche et fort. C’est le cas, ce soir. 
Merci à Marie-Castille Mention-Schaar, qui a réalisé « Les Héritiers »

26 juin 2013

CHERCHONS À ÉLEVER DES PENSEURS CRÉATIFS, ET NON PAS À ÉDUQUER DE BONS TRAVAILLEURS

La logique de l’Éducation nationale ne prépare ni au travail en groupe, ni au développement de l’imagination (2)
Repenser l’Éducation est une urgence, et suppose une révision en profondeur en tenant compte du monde vers lequel nous allons, et du potentiel des nouvelles technologies.
Sur ce sujet, le britannique Sir Ken Robinson est un des meilleurs spécialistes. Expert en créativité, il conteste la façon où, partout dans notre monde occidental – car le problème de l’évolution de l’éducation n’est pas franco-français, même si nous avons des maladies spécifiques… , nous éduquons nos enfants.
Il milite pour repenser drastiquement nos systèmes scolaires, ce afin de développer la créativité et stimuler tous les types d’intelligence. Arrêtons de vouloir éduquer de bons travailleurs, et cherchons à obtenir des penseurs créatifs.
J’avais déjà en février 2011 consacré un article à deux de ses conférences faites en 2006 et 2010 sur TED. Voici à nouveau ci-dessous ces vidéos, ainsi que quelques extraits :
« Elle avait six ans et elle était au fond de la classe, en train de dessiner (…) La maîtresse fascinée, est allée la voir et lui a demandé, "Qu'es-tu en train de dessiner ?" Et la petite fille lui a répondu, "Je fais un dessin de Dieu." La maîtresse lui dit alors, "Mais personne ne sait à quoi ressemble Dieu." Et la petite fille répond, "Ils le sauront dans une minute." »
« Ce que je dis ici, c'est que si vous n'êtes pas prêts à vous tromper, vous ne sortirez jamais rien d'original. Et avec le temps en devenant adultes, la plupart de ces enfants perdent cette capacité. Ils sont devenus peureux d'avoir tort. Nous dirigeons nos entreprises comme ça, par ailleurs. Nous stigmatisons les erreurs. Et nous dirigeons notre système éducatif national de telle façon que les erreurs sont les pires choses qu'ont puissent faire. Le résultat, c'est que nous éduquons des gens en dehors de leurs capacités créatives. »



« Et bon nombre de nos idées ont été formées, non pour répondre aux circonstances de ce siècle, mais pour affronter celles des siècles passés. Mais nos esprits sont toujours hypnotisés par elles. Et nous devons nous désengager de certaines d'entre elles. Maintenant c'est plus facile à dire qu'à faire. C'est d'ailleurs très difficile de savoir ce que vous tenez pour acquis. La raison c'est que vous le tenez pour acquis. »
« Il y a une telle concurrence maintenant pour entrer à la maternelle, pour entrer dans la bonne maternelle, qu'à trois ans on doit passer des entretiens. Des enfants assis devant des jurys blasés, vous savez, inspectant leurs CV, feuilletant et disant, "Eh bien, c'est tout? Cela fait 36 mois que vous êtes là, et c'est tout? Vous n'avez rien fait, rien. Passé les six premiers mois à téter, à ce que je vois." Vous voyez, comme idée, c'est choquant, mais ça attire les gens. »
« Nous nous sommes précipités dans un modèle éducatif "fast food". Et cela appauvrit notre pensée et nos énergies autant que les fast foods détériorent nos corps. »
« Nous devons reconnaître que l'épanouissement humain n'est pas un processus mécanique, c'est un processus organique. Et vous ne pouvez pas prédire le résultat du développement humain; tout ce que vous pouvez, comme un fermier, c'est créer les conditions dans lesquelles ils vont commencer à s'épanouir. »

25 juin 2013

TAIS-TOI ET RÉPÈTE !

La logique de l’Éducation nationale ne prépare ni au travail en groupe, ni au développement de l’imagination (1)
« Robert, arrêtez de discuter et écoutez plutôt ce que je suis en train de dire ! »
« Bien, je vais rendre les copies. Une fois de plus, Éric est dernier avec 2. »
« Paul, venez au tableau et récitez-nous la leçon de la semaine dernière. »
Je pourrais continuer cette énumération issue des souvenirs de mon enfance.
Ah, qu’il était bon le temps jadis où l’autorité du maître était réelle et n’était pas remise en cause ! D’aucuns semblent en avoir la nostalgie, et chercher à la restaurer.
Certes les performances de notre système éducatif ne sont pas optimales, et la France flirte avec les dernières places de la classe au plan mondial. Pas de quoi être fier, et de bonnes raisons d’être inquiet quand on affirme que l’avenir de notre pays est dans la recherche, l’innovation et la montée en gamme en matière de produits industriels.
Mais au moment où les solutions sont collectives, où l’on commence à comprendre le caractère néfaste des hiérarchies rigides dans les entreprises, où la performance y repose plus sur l’imagination et l’initiative que sur la reproduction de schémas historiques, où la confiance en soi et en les autres est critique, est-il réellement pertinent de continuer à privilégier la relation maître-élève et l’évaluation individuelle ? Faut-il vouloir revenir à l’acquisition de connaissances préformatées et à leur reproduction à l’identique ?
Si nous faisons ainsi, la France sera en retard d’une révolution : le temps du fordisme est terminé, nous sommes dans l’économie de la connaissance et de la fluidité, où :
- La relation est de plus en plus décloisonnée et fluide, en évitant les effets hiérarchiques intangibles.
- La prépondérance des situations incertaines et imprévues fait que la performance n’est plus liée à la reproduction et la répétition de comportements anciens, mais l’imagination de nouveaux, à partir de la compréhension de la situation présente, et en mobilisant les expertises acquises.
- La performance est collective, et le travail en groupe est la règle.
- L’organisation est de plus en plus horizontale et transverse, et l’encadrement fonctionne de plus en plus collégialement, même si chacun a une expertise précise et une responsabilité directe distincte.
- Les évaluations de fin d’année se font au travers d’entretiens et de procédures complexes, prenant en compte l’évolution de la personne, sa capacité à travailler avec les autres, les situations auxquelles elle a eu à faire face…
Bref il y a un gouffre entre les deux, et ce n’est rien de dire que les modalités de l’Éducation française ne prépare pas à développer le collectif et la confiance en soi : si l’on a grandi dans un environnement où parler avec son voisin était interdit et sanctionné, comment pourrait-on ne pas être freiné dans la collaboration ? Si chacun est constamment évalué, jugé, classé, si l’on peut redoubler, c’est-à-dire rompre les liens sociaux construits avec ses pairs, comment ne pas voir ses peurs grandir ?
Mon propos n’est pas de dire qu’il ne faut pas évaluer, mais ceci doit se faire de façon continue, et uniquement au travers de travaux en groupe : il suffit de veiller que les groupes ne soient jamais identiques, et alors, par l’intersection des notes des groupes auxquels chacun participe, personne n’obtiendra la même note totale. Ceux qui seront les mieux évalués seront ceux qui auront montré être le plus efficace en groupe. C’est très exactement ce qui correspond à la performance en société.
Tant que l’on croira en France, qu’il suffit de renforcer l’autorité du maître, tant que l’on ne sera pas passé, comme cela a été fait dans d’autres pays, d’une relation un à un, à une relation communauté d’enseignants à groupe d’élèves, nous resterons avec notre handicap collectif.
C’est une œuvre de longue haleine. Raison de plus pour la commencer de suite…
(à suivre)

24 févr. 2011

« NOUS ÉDUQUONS DES GENS EN DEHORS DE LEURS CAPACITÉS CRÉATIVES »

Si éduquer ne rimait plus avec mise en conformité ?
Il ne s’écoule pas un mois en France, sans que le débat sur l’éducation ne revienne pour une raison ou pour une autre. Pour reprendre une expression venant du monde de la presse, c’est un des marronniers de la politique et du débat social. Il est malheureusement rarement abordé avec la clairvoyance et l’ouverture d’esprit de quelqu’un comme Sir Ken Robinson.
Pour preuve ces deux conférences qu’il a fait dans la cadre de TED, l’une en février 2006, l’autre en février 2010. Vous avez la possibilité de les visionner à la fin de ce mail (vous pouvez faire apparaître des sous-titres en anglais ou en français si vous le souhaitez).