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29 juin 2015

COMMENT AGIR ENSEMBLE DANS L'INCERTITUDE

Les deux piliers de l'action dans l'incertitude
La confrontation permet d'ajuster les interprétations, la confiance permet une confrontation positive.



(Présentation de mon livre "Les mers de l'incertitude")

24 juin 2015

LA CONFRONTATION EST LA SŒUR DE LA CONFIANCE

Pouvoir s'ouvrir aux autres et au monde
À la confiance, il est nécessaire d’adjoindre sa sœur, la confrontation, c’est-à-dire la mise en commun et en débat des interprétations et des points de vue, internes comme externes.
Pourquoi ? Parce que tout est trop mouvant, trop complexe, trop multiforme pour être compris par un individu isolé ; parce que chacun d’entre nous est trop prisonnier de son expertise, de son passé, de l’endroit où il se trouve, pour avoir une vue complète et absolue ; parce que l’objectivité n’est pas de ce monde, que tout est contextuel, que seules les interprétations existent, et les faits restent cachés et obscurs ; parce que, sans confrontation avec le dehors, l’entreprise se sent, petit à petit, invulnérable, dérive, et se réveille, un jour, tel un dinosaure, déconnectée de son marché, de ses clients et de ses concurrents.
Qu’est-ce donc que la confrontation ? Elle est le chemin étroit entre nos deux tendances naturelles, qui sont le conflit et l’évitement. Mus par nos réflexes inconscients, ceux qui viennent des tréfonds de la jungle que nous avons quittée il n’y a pas si longtemps, nous voyons d’abord un point de vue différent, comme une menace et une remise en cause : si nous nous sentons suffisamment forts, nous chercherons le conflit, pensant le gagner ; si c’est le sentiment d’infériorité qui domine, comme une gazelle face à un lion, nous fuirons.
La confrontation est une troisième voie : elle est ouverture aux autres, mise en débat de ses convictions et ses interprétations, recherche des hypothèses implicites, souvent inconscientes, qui ont conduit chacun, à sa vision du monde, et à recommander telle solution, plutôt que telle autre. Le but de la confrontation est d’ajuster les interprétations, de construire une conviction collective, de prendre ensemble une décision, et de définir les modalités d’actions.
Finalement, c’est l’absence de confrontation qui est un signal d’alerte, car, pour tout projet complexe, il n’est pas normal que tout le monde soit spontanément d’accord. Cela signifie soit que l’analyse a été trop superficielle, soit que certaines parties prenantes ont évité la discussion. Quand un projet avance trop vite, quand aucun arbitrage n’est nécessaire, c’est qu’une partie du champ de contraintes n’a pas été pris en compte. On constate alors a posteriori les dégâts : l’objectif n’est pas atteint, ou les délais ne sont pas respectés, ou les coûts ont dérapé… ou les trois.

14 août 2014

CONFIANCE ET CONFRONTATION, LES DEUX PILIERS DE L’ACTION COLLECTIVE DANS L’INCERTITUDE

Pour une ergonomie des actions émergentes (8) - Best of (16-17/3/14)

La confrontation est la sœur de la confiance
À la confiance, il est nécessaire d’adjoindre sa sœur, la confrontation, c’est-à-dire la mise en commun et en débat des interprétations et des points de vue, internes comme externes.
Pourquoi ? Parce que tout est trop mouvant, trop complexe, trop multiforme pour être compris par un individu isolé ; parce que chacun d’entre nous est trop prisonnier de son expertise, de son passé, de l’endroit où il se trouve, pour avoir une vue complète et absolue ; parce que l’objectivité n’est pas de ce monde, que tout est contextuel, que seules les interprétations existent, et les faits restent cachés et obscurs ; parce que, sans confrontation avec le dehors, l’entreprise se sent, petit à petit, invulnérable, dérive, et se réveille, un jour, tel un dinosaure, déconnectée de son marché, de ses clients et de ses concurrents. (…)
Qu’est-ce donc que la confrontation ? Elle est le chemin étroit entre nos deux tendances naturelles, qui sont le conflit et l’évitement. Mus par nos réflexes inconscients, ceux qui viennent des tréfonds de la jungle que nous avons quittée il n’y a pas si longtemps, nous voyons d’abord un point de vue différent, comme une menace et une remise en cause : si nous nous sentons suffisamment forts, nous chercherons le conflit, pensant le gagner ; si c’est le sentiment d’infériorité qui domine, comme une gazelle face à un lion, nous fuirons.
La confrontation est une troisième voie : elle est ouverture aux autres, mise en débat de ses convictions et ses interprétations, recherche des hypothèses implicites, souvent inconscientes, qui ont conduit chacun, à sa vision du monde, et à recommander telle solution, plutôt que telle autre. Le but de la confrontation est d’ajuster les interprétations, de construire une conviction collective, de prendre ensemble une décision, et de définir les modalités d’actions. (…)
Finalement, c’est l’absence de confrontation qui est un signal d’alerte, car, pour tout projet complexe, il n’est pas normal que tout le monde soit spontanément d’accord. Cela signifie soit que l’analyse a été trop superficielle, soit que certaines parties prenantes ont évité la discussion. Quand un projet avance trop vite, quand aucun arbitrage n’est nécessaire, c’est qu’une partie du champ de contraintes n’a pas été pris en compte. On constate alors a posteriori les dégâts : l’objectif n’est pas atteint, ou les délais ne sont pas respectés, ou les coûts ont dérapé… ou les trois.
La confiance est le moteur implicite de nos sociétés
« Mes parents étaient la protection, la confiance, la chaleur… C’était une armure magique qui, une fois posée sur vos épaules, peut être transportée à travers votre existence entière.… De là mon audace… Je courais pour aller à la rencontre de tout ce qui était visible et de tout ce qui ne l’était pas encore. J’allais de confiance en confiance, comme dans une course de relais. » (1)
Pour avancer dans le brouillard de l’incertitude, pour agir dans le calme quand le monde environnant tourbillonne et se précipite, pour avoir la lucidité de trouver le geste facile, celui qui prend appui sur les courants de fonds, il y a un préalable indispensable : avoir confiance. Sans confiance, on imagine des tigres derrière le moindre bruit dans les feuilles, on croit qu’un nouvel obstacle est caché dans la brume qui nous précède, on pense que celui qui court va nous doubler, on se voit déjà emporté par le courant qui nous entoure… (…)
Yves Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, dans leur ouvrage collectif, La fabrique de la défiance, mettent, l’accent sur la corrélation directe entre croissance, performance économique et confiance : « Kenneth Arrow : « Virtuellement tout échange commercial contient une part de confiance, comme toute transaction qui s’inscrit dans la durée. On peut vraisemblablement soutenir qu’une grande part du retard de développement économique d’une société est due à l’absence de confiance réciproque entre ses citoyens. » (…) Ce constat n’est pas surprenant, car la confiance favorise l’efficacité des entreprises. (…) Ils sont plus réactifs, mieux à même de s’adapter à l’environnement et d’innover. Ils facilitent l’adoption de méthodes efficaces : décentralisation des décisions, organisation horizontale des relations de travail, travail en équipe, valorisation de l’esprit d’initiative et d’innovation. »
De fait, la confiance est le moteur implicite et souvent caché du capitalisme : sans elle, rien ne serait advenu, et les entreprises n’existeraient pas. Elle est le ciment de la coopération, elle est pré-requise pour la création de toute société. Selon l’économiste Stephen Knack, c’est même la confiance entre étrangers qui est la plus importante, c’est-à-dire entre deux personnes prises au hasard au sein de vastes populations mobiles. Comme une transposition sociale de la gravitation qui permet à des objets distants d’agir l’un sur l’autre.
Pas de doute donc, s’il y a bien une certitude à avoir en milieu incertain, c’est l’importance de la confiance ! C’est le préalable à l’émergence de comportements efficaces. La développer est une priorité pour le Direction générale. Inutile d’insister sur la nécessité qu’elle a d’être exemplaire, car comme le dit le proverbe chinois, « le poisson pourrit par la tête »…
(1) Jacques Lusseyran, Et la lumière fut
(extrait des Radeaux de feu)

18 mars 2014

CONFRONTATION ET CONFIANCE, LES DEUX PILIERS POUR AGIR ENSEMBLE DANS L'INCERTITUDE

Pour une ergonomie des actions émergentes – Vidéo 3
La confrontation permet d'ajuster les interprétations, la confiance permet une confrontation positive (Présentation de mon livre "Les mers de l'incertitude")

17 mars 2014

LA CONFRONTATION EST LA SŒUR DE LA CONFIANCE

Pour une ergonomie des actions émergentes (8)
À la confiance, il est nécessaire d’adjoindre sa sœur, la confrontation, c’est-à-dire la mise en commun et en débat des interprétations et des points de vue, internes comme externes.
Pourquoi ? Parce que tout est trop mouvant, trop complexe, trop multiforme pour être compris par un individu isolé ; parce que chacun d’entre nous est trop prisonnier de son expertise, de son passé, de l’endroit où il se trouve, pour avoir une vue complète et absolue ; parce que l’objectivité n’est pas de ce monde, que tout est contextuel, que seules les interprétations existent, et les faits restent cachés et obscurs ; parce que, sans confrontation avec le dehors, l’entreprise se sent, petit à petit, invulnérable, dérive, et se réveille, un jour, tel un dinosaure, déconnectée de son marché, de ses clients et de ses concurrents. (…)
Qu’est-ce donc que la confrontation ? Elle est le chemin étroit entre nos deux tendances naturelles, qui sont le conflit et l’évitement. Mus par nos réflexes inconscients, ceux qui viennent des tréfonds de la jungle que nous avons quittée il n’y a pas si longtemps, nous voyons d’abord un point de vue différent, comme une menace et une remise en cause : si nous nous sentons suffisamment forts, nous chercherons le conflit, pensant le gagner ; si c’est le sentiment d’infériorité qui domine, comme une gazelle face à un lion, nous fuirons.
La confrontation est une troisième voie : elle est ouverture aux autres, mise en débat de ses convictions et ses interprétations, recherche des hypothèses implicites, souvent inconscientes, qui ont conduit chacun, à sa vision du monde, et à recommander telle solution, plutôt que telle autre. Le but de la confrontation est d’ajuster les interprétations, de construire une conviction collective, de prendre ensemble une décision, et de définir les modalités d’actions. (…)
Finalement, c’est l’absence de confrontation qui est un signal d’alerte, car, pour tout projet complexe, il n’est pas normal que tout le monde soit spontanément d’accord. Cela signifie soit que l’analyse a été trop superficielle, soit que certaines parties prenantes ont évité la discussion. Quand un projet avance trop vite, quand aucun arbitrage n’est nécessaire, c’est qu’une partie du champ de contraintes n’a pas été pris en compte. On constate alors a posteriori les dégâts : l’objectif n’est pas atteint, ou les délais ne sont pas respectés, ou les coûts ont dérapé… ou les trois.
(extrait des Radeaux de feu)

28 déc. 2012

AVEC LA CONFIANCE, ON REMPLACE L’INCERTITUDE DU FUTUR PAR UNE ASSURANCE INTÉRIEURE

La confiance réduit la complexité de l’environnement, et libère les énergies (BEST OF  - paru le 8 octobre 2012)
J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises d’aborder le thème de la confiance sur ce blog, que ce soit en liaison avec celui de la confrontation1 – on ne peut se confronter ensemble que si un climat confiance existe, sinon la confrontation tourne rapidement au conflit –, ou en me faisant l’écho des travaux d’Yves Algan qui a montré le lien entre croissance et confiance, et a mis l’accent sur le déficit de confiance existant en France.2
Le 17 mars 2010, toujours dans le cadre du cours de Pierre Rosanvallon au Collège de France, Louis Quéré, sociologue, directeur de recherche au Centre d’Étude des mouvements sociaux, a fait une intervention sur ce thème qui s’articule très directement avec mes propos.3
Après y avoir montré les limites de l’approche de la confiance, tant dans les sondages (comment peut-on évaluer un degré de confiance au travers de questions, alors que le mot lui-même recouvre tellement de notions différentes et complexes ?) que dans le cadre de l’approche rationnelle de la théorie des jeux (confusion entre volonté de coopération et confiance, liaison obligatoire entre confiance et existence d’une relation avec un individu donné et une situation donnée), il reprend synthétiquement les approches développées par Georg Simmel dans la Philosophie de l’argent, sur les quatre niveaux de confiance vis-à-vis de la monnaie :
- La confiance dans les institutions qui garantissent les monnaies,
- La confiance dans l’aptitude du système économique de pouvoir remplacer la valeur d’une monnaie contre une contrepartie physique,
- La confiance dans la capacité à trouver réellement des personnes qui accepteront de réaliser ces transactions (principe de vraisemblance),
- La confiance en une personne qui se traduit dans un crédit commercial.
Les deux derniers niveaux font intervenir des personnes physiques, alors que les deux premiers ont trait à des personnes morales, des systèmes ou des institutions.
Dans le troisième niveau, ceci se rapproche d’une capacité d’extrapolation : sur la base de nos connaissances, nous pensons qu’il est vraisemblable, et donc probable que ceci ait lieu. C’est la confiance du paysan quand il sème des graines dans son champ : son expérience lui montre qu’il devrait l’année prochaine avoir une récolte. C’est aussi l’expertise d’un producteur qui prévoit que tel bien devrait être vendu une fois qu’il sera fabriqué et mis en vente.
Ce type de confiance est une inférence à partir du passé, une croyance fondée sur une induction. C’est directement lié avec le mode de fonctionnement de notre cerveau qui, précisément, fonctionne en anticipant constamment le futur à partir de notre connaissance du passé.4
Dans le quatrième niveau, intervient un acte de foi : on croît en quelqu’un. Alors que nous n’avons pas tous les éléments, nous portons un jugement positif par rapport au futur, et sur la capacité de l’autre à tenir ses engagements. Il y a une forme d’abandon à la vision que nous avons de l’autre.
La confiance est alors une situation intermédiaire entre la connaissance absolue et l’ignorance complète : celui qui sait tout n’a pas besoin de faire confiance ; celui qui ne sait rien, ne peut pas faire confiance.
Louis Quéré insiste sur le caractère à la fois risqué et libérateur de ce quatrième niveau :
- Risqué, car on n’a pas toutes les assurances, on devient dépendant de l’autre, et on s’en remet à lui, au moins partiellement,
- Libérateur, car cet abandon évite de s’épuiser dans la multiplication des garanties et dans une recherche de contrôle5impossible en milieu incertain. Renonçant à en savoir plus, et à avoir plus de garanties, la confiance réduit la complexité de l’environnement. On remplace l’incertitude du futur par une assurance intérieure.
Ce dernier point est très précisément le propos qu’avait développé Yves Algan, et que j’ai aussi repris à de multiples reprises : le management dans l’incertitude suppose le lâcher-prise, et ce dernier impose la confiance en les autres et en ses propres intuitions.

(3) Elle est accessible en ligne sur le site du Collège de France
(4) Voir mes articles sur les travaux de Stanislas Dehaene sur le cerveau statisticien (articles du 3 au 13 septembre dernier)
(5) Louis Quéré cite le propos de Lénine : « La confiance, c’est bien. Le contrôle, c’est mieux. »

8 oct. 2012

AVEC LA CONFIANCE, ON REMPLACE L’INCERTITUDE DU FUTUR PAR UNE ASSURANCE INTÉRIEURE

La confiance réduit la complexité de l’environnement, et libère les énergies
J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises d’aborder le thème de la confiance sur ce blog, que ce soit en liaison avec celui de la confrontation1 – on ne peut se confronter ensemble que si un climat confiance existe, sinon la confrontation tourne rapidement au conflit –, ou en me faisant l’écho des travaux d’Yves Algan qui a montré le lien entre croissance et confiance, et a mis l’accent sur le déficit de confiance existant en France.2
Le 17 mars 2010, toujours dans le cadre du cours de Pierre Rosanvallon au Collège de France, Louis Quéré, sociologue, directeur de recherche au Centre d’Étude des mouvements sociaux, a fait une intervention sur ce thème qui s’articule très directement avec mes propos.3
Après y avoir montré les limites de l’approche de la confiance, tant dans les sondages (comment peut-on évaluer un degré de confiance au travers de questions, alors que le mot lui-même recouvre tellement de notions différentes et complexes ?) que dans le cadre de l’approche rationnelle de la théorie des jeux (confusion entre volonté de coopération et confiance, liaison obligatoire entre confiance et existence d’une relation avec un individu donné et une situation donnée), il reprend synthétiquement les approches développées par Georg Simmel dans la Philosophie de l’argent, sur les quatre niveaux de confiance vis-à-vis de la monnaie :
- La confiance dans les institutions qui garantissent les monnaies,
- La confiance dans l’aptitude du système économique de pouvoir remplacer la valeur d’une monnaie contre une contrepartie physique,
- La confiance dans la capacité à trouver réellement des personnes qui accepteront de réaliser ces transactions (principe de vraisemblance),
- La confiance en une personne qui se traduit dans un crédit commercial.
Les deux derniers niveaux font intervenir des personnes physiques, alors que les deux premiers ont trait à des personnes morales, des systèmes ou des institutions.
Dans le troisième niveau, ceci se rapproche d’une capacité d’extrapolation : sur la base de nos connaissances, nous pensons qu’il est vraisemblable, et donc probable que ceci ait lieu. C’est la confiance du paysan quand il sème des graines dans son champ : son expérience lui montre qu’il devrait l’année prochaine avoir une récolte. C’est aussi l’expertise d’un producteur qui prévoit que tel bien devrait être vendu une fois qu’il sera fabriqué et mis en vente.
Ce type de confiance est une inférence à partir du passé, une croyance fondée sur une induction. C’est directement lié avec le mode de fonctionnement de notre cerveau qui, précisément, fonctionne en anticipant constamment le futur à partir de notre connaissance du passé.4
Dans le quatrième niveau, intervient un acte de foi : on croît en quelqu’un. Alors que nous n’avons pas tous les éléments, nous portons un jugement positif par rapport au futur, et sur la capacité de l’autre à tenir ses engagements. Il y a une forme d’abandon à la vision que nous avons de l’autre.
La confiance est alors une situation intermédiaire entre la connaissance absolue et l’ignorance complète : celui qui sait tout n’a pas besoin de faire confiance ; celui qui ne sait rien, ne peut pas faire confiance.
Louis Quéré insiste sur le caractère à la fois risqué et libérateur de ce quatrième niveau :
- Risqué, car on n’a pas toutes les assurances, on devient dépendant de l’autre, et on s’en remet à lui, au moins partiellement,
- Libérateur, car cet abandon évite de s’épuiser dans la multiplication des garanties et dans une recherche de contrôle5 impossible en milieu incertain. Renonçant à en savoir plus, et à avoir plus de garanties, la confiance réduit la complexité de l’environnement. On remplace l’incertitude du futur par une assurance intérieure.
Ce dernier point est très précisément le propos qu’avait développé Yves Algan, et que j’ai aussi repris à de multiples reprises : le management dans l’incertitude suppose le lâcher-prise, et ce dernier impose la confiance en les autres et en ses propres intuitions.

(3) Elle est accessible en ligne sur le site du Collège de France
(4) Voir mes articles sur les travaux de Stanislas Dehaene sur le cerveau statisticien (articles du 3 au 13 septembre dernier)
(5) Louis Quéré cite le propos de Lénine : « La confiance, c’est bien. Le contrôle, c’est mieux. »

5 avr. 2012

ON NE TRAVAILLE PAS EN RÉUNION

Mettre en commun, se confronter, répartir…
« Bien, nous en étions où, la dernière fois ? »
Combien de fois avez-vous entendu cette interrogation au début d’une réunion ? Presqu’à chaque fois, non ?
Or si l’on reprend le travail en groupe exactement là où on l’a laissé, cela signifie qu’aucun des membres du groupe n’a travaillé sur ce sujet depuis, et que donc on ne travaille qu’en réunion.
C’est totalement inefficace, et cela explique largement pourquoi les réunions se multiplient sans cesse… puisque c’est le seul moment où les projets communs avancent !
Ce sont d’ailleurs les mêmes qui se plaignent d’être toujours en réunion. Quand je les croise, je me permets de leur répondre : « Bien obligé, puisque sinon vous ne travaillez pas ! »
Alors, que devrait-on faire en réunion, et comment avancer en groupe ?
Une réunion a d’abord pour but de mettre en commun les travaux individuels faits par chacun, de se confronter ensemble, d’arbitrer sur quelques points si nécessaire, puis de se répartir le travail à faire. Ensuite à chacun d’avancer d’ici la réunion suivante, en vue de la prochaine mise en commun.
Donc toute réunion devrait commencer par « Bien, voilà comment j’ai avancé depuis la dernière fois ».
Malheureusement, comme tout notre système éducatif et notre mode d’évaluation sont conçus sur le travail et la performance individuels, bien peu ont fait cet apprentissage…

12 mars 2012

IL N’EST PAS NORMAL D’ÊTRE SPONTANÉMENT D’ACCORD ENSEMBLE

Se confronter continûment - Le management par émergence (8)
Arrive maintenant le cinquième, et avant-dernier point nécessaire à une émergence efficace : la confrontation.
Thème central de mes deux livres, tant Neuromanagement que les Mers de l’incertitude, la confrontation est le préalable au bon fonctionnement de toutes les structures collectives, et surtout dans le monde de l’incertitude.
Pourquoi est-elle ce préalable indispensable ?
Parce que tout est trop mouvant, trop complexe, trop multiforme pour être compris par un individu isolé,
Parce que chacun d’entre nous est trop prisonnier de son expertise, de son passé, de l’endroit où il se trouve, pour avoir une vue complète et absolue,
Parce que l’objectivité n’est pas de ce monde, parce que tout est contextuel, parce que seules les interprétations existent, et que les faits restent cachés et obscurs.
Parce que, si une entreprise réussit dans ce qu’elle entreprend, elle va, faute de se confronter au dehors, se sentir petit à petit invulnérable, dériver, et se réveiller, un jour, déconnectée de son marché, de ses clients et de ses concurrents.
Qu’est-ce que la confrontation ?
La confrontation est le chemin étroit entre nos deux tendances naturelles, qui sont le conflit et l’évitement. Elle est cette attitude d’ouverture aux autres, qu’ils soient membres de l’entreprise ou à l’extérieur, la mise en débat de ses convictions et ses interprétations.
Elle est la recherche de ses propres hypothèses implicites, souvent inconscientes, qui nous conduisent à notre vision du monde, et à recommander telle solution, plutôt que telle autre.
Quelles sont les conditions d’une confrontation réussie ?
Elles sont au nombre de cinq, et chacune est nécessaire :
  1. Un travail personnel pour asseoir ses propres convictions, et être capable d’expliciter le raisonnement qui les a structurées,
  2. Une confrontation sur l’analyse et les raisonnements, jamais sur les conclusions,
  3. La compréhension du rôle des autres et le respect dans leur professionnalisme,
  4. La connaissance de l’objectif commun visé, de cette mer située à l’horizon, et des actions à mener pour s’en rapprocher,
  5.  La confiance en soi-même, en les autres et dans l’entreprise.
Pour aller plus en avant ce sujet de la confrontation, vous pouvez lire les nombreux articles que je lui ai consacrés sur ce blog, ainsi bien sûr que mes deux livres.
En conclusion, voici un extrait de ce que j’écrivais dans les Mers de l’incertitude :
« Finalement, c’est l’absence de confrontation qui n’est pas un bon signe : pour tout projet complexe, il n’est pas normal que tout le monde soit d’accord sans confrontation. Cela signifie soit que l’analyse a été trop superficielle, soit que certaines parties prenantes ont évité la discussion. Quand un projet avance trop vite, quand aucun arbitrage n’est nécessaire, c’est souvent qu’une partie du champ de contraintes n’a pas été pris en compte. On constate alors a posteriori les dégâts : l’objectif n’est pas atteint, ou les délais ne sont pas respectés, ou les coûts ont dérapé… ou les trois.
Plus il y aura de confrontation, meilleures seront la qualité des analyses et la performance des actions. La confrontation n’apporte pas de la rigidité, car elle est un processus dynamique d’ajustement. Elle va apporter le liant qui permet les relations et les fluidifie. C’est elle qui va construire le langage commun, la culture de l’entreprise. Si les dinosaures s‘étaient un peu plus confrontés à la réalité de leur monde et à son évolution, ils seraient probablement encore là ! »

16 août 2011

NON, LA GUERRE N’EST PAS UN MODÈLE POUR LE MANAGEMENT

Vive les stages commandos pour apprendre à diriger ! (6 mai 2009)

Au hasard d'un zapping télévisuel, je suis tombé lundi soir sur une émission sur France 2 qui parlait de l'entreprise et des patrons. Saine et audacieuse démarche…
Sans rentrer sur le fonds de cette émission qui comportait quelques bons passages, je voudrais juste zoomer sur un passage qui a mis en scène un MBA lié à HEC, et une sorte de pseudo-stage commando. Il s'agissait dans ce reportage de montrer comment le temps d'un week-end la promotion de ce MBA se trouvait prise en main par un capitaine de l'armée de terre (si je me souviens bien).
Nous avons eu alors droit à quelques scènes « amusantes » : une équipe qui devait construire un pont et se trouvait désorganisée par l'arrivée impromptue d'un blessé non prévu, une stagiaire prise de vertige, … Passionnant quoi… Et là-dessus une conclusion : l'armée réfléchirait à développer des stages de formation à l'intention des cadres dirigeants…

Nous voilà bien partis pour sortir de la guerre économique et sociale. Stage commando pour la stratégie. Stage GIGN pour les relations sociales. Tout va bien…
Pour ceux qui – comme moi – pensent que la vision moderne du management n'est plus dans l'affrontement mais dans la coopération, que gagner ce n'est pas battre son voisin mais construire avec lui de nouvelles solutions, que diriger c'est lâcher-prise, tout ceci n'est pas vraiment rassurant.

Ce reportage m'a fait repenser à un texte de Boris Vian que j'ai lu il y a longtemps. Paru dans le recueil « Textes et chansons », il s'agit d'un court texte dans lequel Boris Vian explique que « Le jour où personne ne reviendra d'une guerre, c'est qu'elle aura enfin été bien faite »...
Un peu plus tard, le même soir, cette fois sur France 3, j'ai vu un reportage sur l'entreprise Favi : cette fonderie s'est développée grâce à un management fondé sur la responsabilité, l'intelligence et la croyance en la bonté de l'homme… Rafraichissant. Ouf ! Tout n'est pas perdu. Je reviendrai sur cette entreprise dans un autre article

19 juil. 2011

POURQUOI PARLER DE LA CONSÉQUENCE, ET NON PAS DU PROBLÈME ?

Faut-il ou non un panneau annonçant les radars, un bon exemple du mauvais débat
Depuis le début du mois de juin, a fleuri en France une polémique autour des radars : faut-il ou non annoncer leur présence par des panneaux ? Les radars seraient dangereux, parce que les voitures, à cause de leur présence, freineraient brutalement à leur approche, créant ainsi potentiellement des risques d’accident.
Pourquoi en parler ici sur mon blog ? Parce que c’est pour moi le type même de débat mal posé, ou plutôt du débat qui évite la vraie question, et qui donc a peu de chances de déboucher sur une confrontation positive, confrontation qui est toujours le préalable à la construction d’une interprétation commune et partagée.
En effet, si les radars posent problème, c’est parce qu’il y a un nombre important de conducteurs qui ne respectent pas la limitation de vitesse. Sinon, pourquoi parlerait-on sans cesse de ces voitures qui doivent ralentir brutalement ? Et il ne s’agit pas de ceux qui dépassent légèrement la vitesse autorisée, sinon ces coups de frein ne seraient pas dangereux. Donc il y aurait visiblement un nombre important d’automobilistes dépassant largement la vitesse autorisée (probablement de plus de 20 km/h, sinon à nouveau le coup de frein ne serait pas dangereux).
Pourquoi donc n’avons-nous pas un débat collectif sur la justification ou non de la limitation de vitesse ? Et ensuite, des voies et moyens à mettre en œuvre pour que nos réflexes et habitudes individuels nous amènent à prendre l’habitude de la respecter.
Je ne préjuge pas des résultats d’un tel débat, mais ce dont je suis sûr, c’est que ce n’est pas en polémiquant sur la justification ou non des panneaux annonçant les radars que nous allons collectivement progresser…

12 juil. 2011

IL EST NORMAL DE NE PAS ÊTRE D’ACCORD

Pourquoi penser qu’il n’y a qu’une interprétation possible ?
« Il y a quelque chose qui m’échappe : j’ai beau expliquer rationnellement à mes équipes, on ne se comprend pas et rien ne se passe », me disait dernièrement la responsable de la fabrication d’une usine.
La trentaine, c’était son premier poste de management après deux postes techniques en usine.
« Par rationnellement, vous entendez quoi, lui répondis-je ? »
Elle marqua un blanc et me dit :
« Eh bien, que j’ai passé du temps à analyser à fond le problème, à envisager les différentes hypothèses et à construire la meilleure solution.
- Vous pensez vraiment que, pour un problème complexe, il n’y a qu’une solution possible ? Je comprends bien que 1+1 égale toujours 2, mais la vie est rarement aussi simple. Donc s’ils ne comprennent pas, c’est peut-être qu’ils ne font pas la même analyse. Moi, voyez-vous, c’est quand les gens sont spontanément d’accord avec moi que je suis inquiet : j’ai l’impression qu’on est en train de passer à côté de quelque chose. »
Je m’arrêtai un instant, puis poursuivis :
« Donc, j’ai tendance à vous retourner votre question : comment pouvez-vous trouver normal qu’après une seule explication « rationnelle » vos équipes adhèrent à ce que vous leur demandez ? Pourquoi voulez-vous éviter une confrontation ? Pourquoi, au contraire, ne la recherchez-vous pas ? Doutez-vous de la solidité de votre raisonnement ? Craignez-vous qu’une confrontation débouche sur un conflit ? »

21 avr. 2011

BON NOMBRE DE DIRIGEANTS FONT-ILS FAUSSE ROUTE ?

Pourquoi prôner la compétition si c’est le développement de la confiance qui est l’essentiel ?
Je peux finalement résumer l’essentiel de ce que j’ai écrit cette semaine en un mot : confiance(1). C’est la condition sine qua non pour que se développe donc :  
  • La capacité individuelle et collective à faire face à l’incertitude au sein de l’entreprise,
  • Un réseau entre l’entreprise, ses clients, ses fournisseurs et des partenaires institutionnels (syndicats, élus, organismes divers)
  •  Des confrontations compétitives positives entre l’entreprise et ses concurrents.
On s’attend donc à ce qu’elle soit l’obsession de tout manager qui, chaque matin, en se rasant, doit se répéter la litanie suivante : « Comment vais-je accroître la confiance dans mon entreprise ? », « Comment développer de nouvelles solidarités entre les équipes ? », « Comment renforcer la confiance des clients dans la performance de nos produits ? », «  Quel élu dois-je voir cette semaine pour faire le point des actions communes à lancer ? », « Comment ne pas nous laisser embarquer dans une guerre totale et sans fin avec tout notre environnement ? »…
Or malheureusement, il n’en est souvent rien, et le discours managérial reste celui du guerrier, de l’affrontement… et finalement du développement des peurs et des craintes : « Les commerciaux ne se défoncent pas assez, il faut que je pense à faire augmenter leur part variable. », « Nos laboratoires s’endorment, je vais lancer une compétition entre ceux qui sont en Asie et ceux qui sont en Europe. », « En faisant changer la réglementation, nous allons tuer tous les concurrents, et être enfin tranquilles. », « Diminuons de 10% le volume du produit par flacon, les clients n’y verront que du feu. »…
Comme un décalage, non ?
Si jamais, vous pensez que j’exagère sur les effets néfastes des tous les systèmes de management reposant sur les carottes à gagner et les primes, regardez donc cette animation : elle illustre avec brio les vérités cachés sur ce qui nous motive vraiment…



(1) Successivement : On ne peut pas comprendre si l’on s’est inquiété à l’avance, Comment comprendre et agir ensemble sans confiance ?, et Passer de la compétition à la « confrontation compétitive »

20 avr. 2011

PASSER DE LA COMPÉTITION À LA « CONFRONTATION COMPÉTITIVE »

Aucune entreprise ne peut réussir seule
Avoir confiance en soi et dans les autres pour passer de l’appréhension au lâcher prise, à la compréhension et à l’action collectives. Un vaste programme, déjà très difficile à atteindre.
Mais est-ce suffisant ? Une entreprise peut-elle se penser comme un ilot de confiance dans un océan de peurs ? Peut-elle se nourrir des autres comme un prédateur ?
Peut-elle réussir sans des relations ouvertes et confiantes avec ses sous-traitants, ses fournisseurs et ses clients ? Et avec son environnement plus large : les régions où elles opèrent, les universités locales, les pouvoirs politiques locaux et nationaux, … ?
Pas vraiment, car sinon, comme pour un individu, comme dans l’entreprise, vont se développer un climat de méfiance, la crainte du futur, une appréhension négative. Si vous en doutez, pensez à l’attitude des riverains d’une usine et de leur crainte en matière de sécurité. Sans parler bien sûr du cas des centrales nucléaires.
Un individu seul ne peut rien. Il doit nécessairement d’une façon ou d’une autre s’intégrer dans un réseau de partage et de coopération.
Une collectivité d’individus ne pourra donner naissance à une entreprise que si des solidarités fortes se développent entre eux, assises sur un cocktail de confiance réciproque, de confrontation et de partage de la mer visée. A ce prix, pourront être reliés positivement et dynamiquement les savoir-faire.
Une entreprise ne pourra prospérer que si elle développe un réseau de coopération autour d’elle, avec d’autres entreprises, d’autres organisations, d’autres institutions. A ce prix, pourront être dépassés des attitudes de prédateurs.
Comme l’enjeu pour les individus est de passer du conflit à la confrontation, il est pour les entreprises de dépasser une approche stricte de la compétition individuelle pour passer à une « confrontation compétitive ».
Qu’est-ce que j’entends par cette expression ?
Il s’agit pour une entreprise de définir des objectifs communs avec des autres organisations indépendantes – entreprises ou non, en compétition avec elle ou non –, objectifs limités dans le temps et dans l’espace. Pourquoi limités ? Parce qu’imaginer la disparition de toute compétition ne me semble ni réaliste, ni souhaitable. Dans ce cadre défini, pourra alors se développer une confrontation positive comme cela est possible entre individus au sein d’une entreprise.