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20 févr. 2012

LE CHAOS NAÎT DE L’ORDRE LE PLUS SIMPLE ET LE PLUS RIGOUREUX

Comment se fait-il que les prévisions soient toujours fausses, du moins dès qu’elles ne portent pas sur l’immédiat ? Pourquoi les meilleurs experts n’arrivent-ils pas à démêler les fils de l’incertitude ?
Une des raisons essentielles – pour ne pas dire la principale – est que la quasi totalité des phénomènes de notre univers suivent ce que l’on appelle des processus chaotiques, et que, dans un processus chaotique, la moindre erreur initiale, même la plus petite, provoque des divergences non bornées.
De quoi s’agit-il ?

Tout d’abord, il n’a rien à voir avec le sens commun du mot « chaos ». Le chaos dont il s’agit ici n’est pas un état de désordre total, bien au contraire : c’est un état qui est soumis à des règles rigoureuses et précises, mais dont l’effet est de rendre imprévisible l’évolution future. Ou plus exactement, il suppose une précision infinie pour pouvoir prévoir l’évolution : dans un processus chaotique, la moindre erreur est fatale, car elle va s’amplifier, et sans que l’on puisse même la borner.


Prenons un exemple : portez un nombre au carré, multipliez le par 2, puis enlevez 1, ce qui s’écrit sous la forme suivante, 2x2-1. Simple et précis, non ? Comment imaginer que ceci peut donner naissance à un processus chaotique. C’est pourtant le cas.
Comment s’en rendre compte ? Pas compliqué : il vous suffit d’effectuer ce même calcul sur le nombre obtenu, et de le reproduire un grand nombre de fois, disons cinquante fois, pour que le résultat final soit chaotique, c’est-à-dire sensible à la moindre modification de la condition initiale.
Vous ne me croyez pas ? Eh bien, faisons le calcul ensemble. (cf. la courbe ci-jointe)
Prenons d’abord comme nombre initial 0,6. A la première itération, on obtient -0,28. A la suivante,  0,8432. Si l’on observe la série des 50 nombres obtenus, ce qui est déjà surprenant, c’est le caractère erratique des résultats. Pour ne donner que les quatre derniers : -0,99445693, 0,977889172, 0,912534467 et 0,665438307.
Faisons maintenant varier le nombre initial d’un millionième en le passant à 0,6000006, et observons ce qui se passe.
Au début, rien de bien particulier, on obtient des écarts minimes : -0,2799986 au lieu de -0,28, puis -0,8432016 au lieu de -0,8432.
Puis à partir de la seizième itération, les courbes divergent, et n’ont plus aucun rapport entre elles. Regardons les quatre dernières valeurs : 0,954941863, 0,823827922, 0,35738489, -0,744552081. Les écarts sont respectivement de 196%, 16%, 60% et 211% !
Donc une erreur initiale de un millionième a non seulement généré des écarts considérables, mais erratiques. Or tout ceci repose sur une équation à la fois précise et simple. Voilà le chaos : il combine rigueur, simplicité et aléa.
Or ces phénomènes ne sont pas des curiosités mathématiques, car notre monde est peuplé de processus chaotiques : l’hydrodynamique, l’électronique, les lasers ou l’acoustique... Bien plus, des systèmes très simples peuvent avoir un comportement chaotique non prévisible. Contrairement à ce qui semblait jusque-là une évidence, un comportement compliqué ne résulte pas forcément d’un système compliqué.
Poincaré, dès le début du vingtième siècle avait montré qu’un système composé de trois corps en interaction gravitationnelle, (comme par exemple, celui composé du Soleil, de Jupiter et de Saturne) avait en général un comportement chaotique. Dans le problème des trois corps, l’on est face à un système à neuf degrés de liberté, et on a montré plus tard que trois degrés. Il s’agit donc de systèmes extrêmement simples.
En un mot comme en cent, le chaos est partout !

Et j’entends encore des « experts » venir nous assener leurs certitudes, parce que le taux de croissance serait passé de 1,6 à 1,7 % ! Mais savent-ils seulement qu’ils sont incapables de le mesurer aussi précisément (voir Est-il raisonnable de continuer à déraisonner en économie ?), et que, en admettant qu’une évolution soit vraie, les conséquences en sont inconnues ?

Si tout cela n’était qu’un jeu de Monopoly et si tous les billes étaient sans valeur, ceci ne serait pas bien grave. Mais c’est avec les emplois et les revenus de tout un chacun qu’ils jouent…


20 oct. 2011

COMMENT LA MODÉLISATION ÉCONOMIQUE POURRAIT-ELLE ÉMERGER DU CHAOS ?

Faut-il croire aux miracles ?
Résumons la situation de la prévision et de la modélisation économique.
A l’échelon élémentaire, nous trouvons l’agent économique de base, c’est-à-dire vous ou moi. Pouvons-nous prévoir ce que nous allons faire demain et pourquoi ? Sommes-nous des êtres rationnels et modélisables ? Non, et Dieu merci ! 
Pour ceux qui en douteraient, sachez que les neurosciences ont montré que notre comportement et nos décisions étaient majoritairement régis par nos processus inconscients, et que même notre mémoire et notre identité se reconstruisaient constamment. Ce que la plupart des philosophes disaient d’ailleurs depuis longtemps.
Donc comme nous sommes en plus soumis à des pressions publicitaires, des tombereaux d’informations et des chapelets d’offres, tous constamment changeantes et spécifiques, que chacun de nous est pris dans des contextes sociaux et professionnels, eux-mêmes changeants et spécifiques, impossible de savoir ce que chacun de nous va faire.
Bien, mais la modélisation économique ne cherche pas à prévoir ce qu’un individu va faire, elle ne s’intéresse qu’à des populations larges d’individus. Elle suppose que cette incertitude inhérente à un individu va se trouver lissée, et que des lois collectives vont émerger.
C’est du moins ce que l’on a cru, et ce que l’on cherche encore à nous faire croire… 
Mais pour que cela soit vrai, il faudrait que l’incertitude élémentaire ne se propage pas. Or tous les développements récents ont montré que les lois qui régissaient la vie étaient de nature chaotique, c’est-à-dire que les écarts loin de se résorber s’amplifiaient. Bien plus le moindre écart sur les conditions initiales pouvait conduire à des divergences très fortes. C’est le fameux effet papillon.
Comment donc pourrait-on miraculeusement modéliser le fonctionnement de l’économie ? Il serait plus facile de prévoir la météo précisément un an à l’avance… puisque les molécules d’air et d’eau ont moins d’autonomie de comportement que les êtres humains.
Il serait peut-être donc temps de comprendre que l’économie n’est pas une science, et ne peut pas se modéliser. Tel est d’ailleurs le propos d’un article de Jean-Marc Vittori paru dans les Échos le 19 octobre, « La grande panne des modèles économiques ».

6 sept. 2011

LA VIE SE PROPAGE COMME UN CALME CHAOS

Il a sauvé celle qu’il ne fallait pas, et se dévoue à contre-sens pour celle qui reste
Pietro est prisonnier de trois femmes.
La première, il lui a sauvé la vie au péril de la sienne, et pourtant il ne la connaît pas. Elle n’en saura rien… du moins pendant plusieurs mois.
La seconde, il n’était pas là quand elle est morte, car il était en train de sauver la première, et pourtant elle était son épouse. Depuis lors, il se demande s’il l’aimait vraiment… du moins pendant plusieurs mois.
La troisième, elle était là quand la deuxième est morte, et pour cause car c’est leur fille. Depuis lors, il ne la quittera plus, passant ses journées devant son école… du moins pendant plusieurs mois.
Pendant tous ces mois, sa vie est suspendue, arrêtée, mise entre parenthèses, et elle ne sera plus que le miroir de la vie des autres, de tous ceux qui vont défiler devant lui, s’épanchant de leurs problèmes et leurs angoisses. Viennent ainsi pêle-mêle : son frère avec qui il avait sauvé la première et est le dieu de la troisième, sa belle-sœur avec qui il avait couché avant de connaître la deuxième, les institutrices de la troisième, la mère de la meilleure amie de la troisième, la première quand elle a appris qu’il était son sauveur, successivement tous les cadres dirigeants de son entreprise plongée dans une mégafusion, des passants…
Ce caléidoscope doux et amer ne s’arrêtera que quand la troisième, sa fille, lui fera prendre conscience des conséquences involontaires de ce qu’il croyait être un sacrifice pour elle.
Le monde va ainsi, de télescopages en télescopages, de hasards en coïncidences, de résultats inattendus en bévues involontaires. La vie est un chaos, un chaos calme qui se propage sans raison et sans contrôle.
Faut-il encore arriver comme Pietro à se réveiller et à en prendre conscience…
(Ce texte est un résumé personnel du roman « Chaos calme » de Sandro Veronesi que je viens de lire)  

18 janv. 2011

LE CHAOS, VECTEUR DE STABILITÉ DE LA VIE ET DE PUISSANCE DU CERVEAU

La vie est faite d'ordre et de désordre

Le chaos sert-il à quelque chose ? Est-ce simplement une complication pour le plaisir de notre univers ? Le créateur, quel qu'il soit, a-t-il voulu nous jouer un mauvais tour en nous condamnant à vie à l'aléatoire : quoi que nous fassions, nous ne pourrons jamais prévoir ?

Non, car si le chaos est source d'incertitude, il aboutit aussi à des propriétés essentielles pour le développement de la nature et de la vie : il apporte la stabilité. Dualité de notre monde : sans incertitude, pas de stabilité.
En effet comment un système vivant peut-il perdurer malgré tous les aléas qui l'entourent et tous les changements constants ? Comment n'est-il pas détruit par toutes les perturbations venant de son environnement ? Comment notre écosystème peut-il survivre et évoluer ? C'est grâce à la stabilité structurelle apportée par le chaos.

Ainsi ce chaos qui nous brouille la vision du futur est aussi celui qui nous permet d'en avoir un : si notre avenir pouvait être prédit, la moindre perturbation viendrait tout détruire. C'est le flou qui permet la résilience. Pensez à la fable du chêne et du roseau : le chêne rigide casse, là où le roseau flexible survit. C'est un peu la même chose.

Un enseignement majeur à garder en tête pour le management des entreprises : quand une équipe de direction supprime le flou et le désordre, il rend l'entreprise cassante et fragile. Je reviendrai plus loin sur ce que j'appelle le risque de l'anorexie(1).
Enfin, il semble bien que le chaos soit aussi nécessaire aux fonctions cérébrales pour traiter de l'information : les systèmes chaotiques sont plus à même de réagir rapidement et de s'adapter à des aléas. Le chaos est probablement au cœur de la vie de nos neurones. Voilà notre cerveau qui, après s'être découvert impacté par la mécanique quantique, devient chaotique.

Extrait des Mers de l'incertitude

15 sept. 2010

« S’IL N’Y AVAIT PAS EU DE NEWTON, QUELQU’UN D’AUTRE N’AURAIT-IL PAS DÉCOUVERT LES LOIS CLASSIQUES DU MOUVEMENT ? »

Quand les sciences viennent rejoindre la philosophie

Parmi les scientifiques qui sont venus bouleverser la vision scientifique en montrant que l'incertitude est au cœur de notre monde, Ilya Prigogine occupe une place privilégiée, grâce à ses apports issus de la théorie du chaos. Voici un patchwork de son livre, Le temps des certitudes.(1)

Incertitude et possible
« Comme Duhem l'avait souligné dès 1906, la notion de trajectoire n'est un mode de représentation adéquat que si la trajectoire reste à peu près la même lorsque nous modifions légèrement les conditions initiales. Les questions que nous posons en physique doivent avoir une réponse robuste, qui résiste à l'à-peu-près. La description en termes de trajectoires des systèmes chaotiques n'a pas ce caractère robuste. C'est la signification même de la sensibilité aux conditions initiales. »
« Les lois de la nature acquièrent une signification nouvelle : elles ne traitent plus de certitudes mais de possibilités. Elles affirment le devenir et non plus seulement l'être. Elles décrivent un monde de mouvements irréguliers, chaotiques, un monde plus proche de celui qu'imaginaient les atomistes anciens que des orbites newtoniennes. »
« Le possible est « plus riche » que le réel. L'univers autour de nous doit être compris à partir du possible, non à partir d'un quelconque état initial dont il pourrait, de quelque, être déduit. »
« Notre univers a suivi un chemin de bifurcations successives : il aurait pu en suivre d'autres. Peut-être pouvons-nous en dire autant pour la vie de chacun d'entre nous. »
« S'il n'y avait pas eu de Newton, quelqu'un d'autre n'aurait-il pas découvert les lois classiques du mouvement ? »
« L'indéterminisme, défendu par Whitehead, Bergson ou Popper, s'impose désormais en physique. Mais il ne doit pas être confondu avec l'absence de prévisibilité qui rendrait illusoire toute action humaine. C'est de limite à la prévisibilité qu'il s'agit. »
« Le futur n'est pas donné. Nous vivons la fin des certitudes. »

Sur la flèche du temps
« La nature nous présente à la fois des processus irréversibles et des processus réversibles, mais les premiers sont la règle, et les seconds l'exception. »
« Henri Bergson demande : « A quoi sert le temps ? … le temps est ce qui empêche que tout soit donné d'un seul coup. Il retarde, ou plutôt il est retardement. Il doit donc être élaboration. Ne serait-il pas alors le véhicule de création et de choix ? L'existence du temps ne prouverait-elle pas qu'il y a de l'indétermination dans les choses ? » »
«  ("L'hypothèse indéterministe") confère une signification physique fondamentale à la flèche du temps sans laquelle nous sommes incapables de comprendre les deux caractères principaux de la nature : son unité et sa diversité. La flèche du temps, commune à toutes les parties de l'univers, témoigne de l'unité. Votre futur est mon futur. »
« On peut parler de flux de communication dans une société tout comme il y a un flux de corrélations dans la matière. (…) Nous commençons à concevoir la manière dont l'irréversibilité peut apparaître au niveau statistique. Il s'agit de construire une dynamique de corrélations et non plus une dynamique des trajectoires. »

Sur la représentation du monde
« La physique de l'équilibre nous a donc inspiré une fausse image de la matière. »
« Les lois de la physique, dans leur formulation traditionnelle, décrivent un monde idéalisé, un monde stable et non le monde instable, évolutif, dans lequel nous vivons. »
« Nous assistons à l'émergence d'une science qui n'est plus limitée à des situations simplifiées, idéalisées, mais nous met en face de la complexité du monde réel, une science qui permet à la créativité humaine de se vivre comme l'expression singulière d'un trait fondamental commun à tous les niveaux de la nature. »
« Cela nous éloigne de manière décisive de ce que l'on peut appeler le « réalisme naïf » de la physique classique, c'est-à-dire l'idée que les grandeurs construites par la théorie physique correspondent directement à ce que nous observons dans la nature, et ce à quoi nous attribuons de manière directe des valeurs numériques. »

Sur l'observation et la connaissance
« L'évolution de l'univers serait-elle différente en l'absence des hommes ou des physiciens ? (…) Si la flèche du temps doit être attribuée au point de vue humain sur un monde régi par des lois temporelles symétriques, l'acquisition même de toute connaissance devient paradoxale puisque n'importe quelle mesure suppose un processus irréversible. (…) Quelque chose ne se produit vraiment que lorsqu'une observation est faite, et en conjonction avec elle… l'entropie augmente. Entre les observations, il ne se produit rien du tout. »
« Cette communication, cependant, exige un temps commun. C'est ce temps commun qu'introduit notre approche tant en mécanique quantique que classique. (…) L'observation présuppose l'interaction avec un instrument de mesure ou avec nos sens. (…) La direction du temps est commune à l'appareil de mesure et à l'observateur. »
« Un monde symétrique par rapport au temps serait un monde inconnaissable. Toute prise de mesure, préalable à la création de connaissances, présuppose la possibilité d'être affecté par le monde, que ce soit nous qui soyons affectés ou nos instruments. Mais la connaissance ne présuppose pas seulement un lien entre celui qui connaît et ce qui est connu, elle exige que ce lien crée une différence entre passé et futur. La réalité du devenir est la condition sine qua non à notre dialogue avec la nature. »

(1) 1996 – Odile Jacob

2 juin 2010

COMMENT SAVOIR LE SENS DE CE QUE L’ON REGARDE?

Dépasser les apparences

Nouvel extrait des « Mers de l'incertitude », toujours dans la première partie, cette fois issue de celle qui porte sur les mathématiques et le chaos

« Un cylindre peut être défini simplement : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ? Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : pour nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou qu'à l'inverse ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Il faut faire avec. Attention donc à tous les raisonnements menés hâtivement…

(…) Dès qu'il fait noir, au fond de leurs lits, les enfants ont peur des monstres qui se blottissent dans les placards et qui n'attendent que la première occasion pour leur sauter dessus. Les Écossais ont eux des fantômes qui peuplent leurs manoirs et leurs châteaux, sans parler du monstre du Loch Ness. En tête des best-sellers, on trouve bon nombre de livres ou de films qui jouent à nous faire peur. Bref, nous aimons et craignons en même temps ce qui est caché, ce qui peut surgir à tout instant et ce qui peut venir perturber notre tranquillité.
La science moderne, comme par opportunisme marketing, s'est ingéniée depuis un siècle à peupler notre univers d'êtres étranges, car difficilement accessibles à notre compréhension et soigneusement cachés. Est-ce pour nous faire peur ? Ou à l'inverse pour stimuler notre envie d'aller à leur découverte ? Ni l'un, ni l'autre. Ils sont simplement là et nous apprennent à penser à dépasser les apparences !
Ainsi, l'incertitude des comportements des acteurs élémentaires, individus et entreprises, loin de déboucher, au niveau macro, sur un monde lissé et prévisible, se voit amplifiée : notre monde est hautement imprévisible. »
1

(1) Extraits des Mers de l'incertitude p.50 et 55

26 avr. 2010

PLUS DE CHAOS, PLUS DE CYGNES NOIRS…

Le nuage de cendres n'est pas un accident sans lendemain

Retour sur le nuage de cendres islandais. Non pas par un quelconque acharnement, mais parce que je le crois très emblématique de plusieurs points clés de notre mode actuel.
Dans mon billet de la semaine dernière1, j'avais abordé le danger de se fier plus à la modélisation mathématique qu'à l'observation de ce qui se passe réellement.

Pourquoi d'abord cette approche par la modélisation ne peut pas fonctionner pour prévoir ce qui va se passer ? Parce que des phénomènes comme la propagation des particules suivent des lois de type chaotiques, et que, dans ce cas, la moindre erreur dans la connaissance des conditions initiales rend impossible l'élaboration de prévisions fiables2. Or il est impossible déjà de connaître précisément les émissions du volcan, alors comment pourrait-on les connaître exactement ?

Ce qui vient de se passer avec le nuage de cendres est très représentatif de la plupart des phénomènes qui sous-tendent la vie et l'évolution de notre monde. En effet, ils suivent pour la plupart des lois de type chaotique. Il est donc illusoire d'imaginer pouvoir modéliser leur évolution : comme nous ne pourrons jamais tout connaître exactement, nous devons accepter l'incertitude, et nous centrer plus sur l'observation que la prévision.

Ensuite ce nuage est un bel exemple de « cygne noir » 3, c'est-à-dire un événement hautement improbable et à effet majeur. Un volcan qui se réveille au cœur de l'Islande, loin de nous apparemment… et voilà l'Europe comme paralysée. Nous sommes devenus tellement connectés les uns les autres, notre monde est devenu tellement un Neuromonde4, nous sommes forts et en même temps tellement dépendants de la toile d'araignée de nos interrelations que tout problème se propage immédiatement.

Auparavant un cygne noir n'avait d'effet que localement, mais ce n'est plus le cas. Nous devons nous habituer à la multiplication des cygnes noirs, non pas parce qu'il va s'en produire davantage, mais parce que leur effet sera sensible pour tout un chacun. Avant nous n'étions sensibles qu'à ceux qui se produisaient dans notre voisinage immédiat. Maintenant nous sommes soumis aux effets de tous qui se produisent, quelque soit l'endroit où ils apparaissent, ou presque.

Plus la vie se développe, plus l'incertitude s'accroît : il est urgent que nous le comprenions et que nous adaptions en conséquence notre façon de penser et d'agir…



(1) Voir « Où sont les particules du nuage de cendres ? »
(2) Voir mes articles liés au Chaos
(3) Cette expression provient du livre de Nassim Nicholas Taieb. J'ai parlé de ce livre dans un billet de décembre 2008 « Résonances entre dérive naturelle, cygne noir et crise actuelle… »
(4) Voir mes articles sur le Neuromonde




24 juin 2009

LES PRÉVISIONS ÉCONOMIQUES PEUVENT-ELLES ÊTRE PLUS FIABLES QUE CELLES SUR LA MÉTÉO ?


Nous devons apprendre à vivre en univers incertain et à ne plus nous « protéger » derrière des chiffres sans valeur

Une fois de plus, les prévisions météorologiques se sont trompées : à la place des rayons de soleil annoncés, c'est un déluge de pluie. Nous avons tous pris collectivement l'habitude de ces erreurs et pourtant nous continuons à suivre ces émissions à la télévision ou à la radio qui nous égrènent des futurs improbables…

D'où viennent ces erreurs à répétition. Elles ont, en simplifiant, deux origines : d'une part la difficulté à modéliser toutes les interactions, d'autre part la propagation des erreurs inhérentes au mode de calcul.

Nous sommes en train de progresser sur la première limite : plus la science météorologique avance, mieux elle arrive à affiner ses équations et à rendre compte de la complexité du système. Il n'en reste moins que c'est un long chemin dont on ne voit pas bien le bout. Pensez par exemple à la diversité de la géographie européenne et la multiplicité des interactions liées à l'activité humaine qui n'est pas elle prévisible en détail…

Parlons maintenant de la deuxième origine, celle liée aux erreurs inhérentes au mode de calcul. Que se passe-t-il ? Pour élaborer les prévisions météorologiques, on utilise des superordinateurs qui vont simuler progressivement l'évolution du temps. Or dans leurs calculs, ces superordinateurs ne peuvent pas manipuler des nombres avec une infinité de décimales : en effet ceci supposerait une puissance infinie de calcul. Donc pour tout calcul sur un nombre non entier (par exemple le résultat de la division de 2 par 3), ils manipulent un nombre fini de décimales et procède donc systématiquement à une erreur arithmétique. Cette erreur est très faible (< 10-10) et ne prête pas à conséquence la plupart du temps. Mais dans le cas des prévisions météorologiques, compte-tenu du type des équations, cette erreur s'amplifie très vite et rend le résultat totalement erratique. En conséquence le modèle a été rendu plus grossier pour éviter cet aléa… mais du coup, ceci rend toute prévision à long terme impossible. (voir « Si Dieu jouait aux dés, il gagnerait »)

Comme l'écrit Stewart, « la recherche dans l'avenir pourra peut-être surmonter de telles difficultés. Mais il existe des raisons théoriques pour croire qu'il existe une limitation intrinsèque à l'exactitude avec laquelle on peut prévoir le temps. Quatre ou cinq jours à l'avance, peut-être une semaine – mais pas plus. » (Dieu joue-t-il aux dés ? Les mathématiques du chaos)

Nous voilà donc face à une explication scientifique qui montre qu'il est illusoire d'imaginer prévoir la météo au-delà de la semaine. Aussi nous apprenons à vivre avec cette incertitude…

Abandonnons la météorologie et passons à la prévision économique.

Je n'ai pas l'impression qu'il soit plus facile de modéliser le fonctionnement de l'économie que celui de la météo. On est bien face aux mêmes types de difficultés, avec, là, un poids déterminant des activités humaines. Or celles-ci ne sont pas modélisables précisément (et heureusement !). Il y a donc aussi une source inhérente d'erreurs.

Et dans le domaine de l'économie, je ne fais qu'entendre des prévisions à un an, voire plus. Dans mon activité de consultant, je rencontre souvent des entreprises qui élaborent des plans stratégiques à 3 ou 5 ans, avec des données détaillées.

Est-ce raisonnable ? Comment ce qui est impossible pour la météo, le deviendrait pour l'économie ? N'a-t-on pas assez de preuves ces dernières années, et singulièrement depuis la crise, de l'inexactitude de toutes ces prévisions : aux rayons de soleil annoncés correspondent des déluges de pluie, au calme prévu un tsunami… (voir « Ciel, j'ai vu un UVLI ! » et « Ne nous laissons pas berner par la magie des battements de l'aile d'un papillon »

Ne serait-il pas urgent de comprendre que nous ne pourrons jamais vraiment prévoir au-delà d'un horizon rapproché et qu'il ne sert à rien de s'abriter derrière des chiffres dont on est certain de l'inexactitude.

Bien sûr les entreprises ont besoin de réfléchir à moyen terme (disons 3/5 ans) notamment quand il s'agit de décider ou non d'un investissement majeur (un nouveau réseau pour un opérateur téléphonique, une nouvelle usine pour une entreprise sidérurgique…). Mais elles doivent le faire en tenant compte des incertitudes, et surtout pas en les occultant. (voir « Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas par aller à la mer » et « Lâcher-prise pour prévoir l'imprévisible »)

Il en est évidemment de même au niveau d'un pays…


29 avr. 2009

ALÉATOIRE, CHAOS ET SYSTÈMES VIVANTS

Promenade au sein du livre de Stewart « Dieu joue-t-il aux dés ? Les mathématiques du chaos », l'occasion de se poser quelques questions intéressantes…

Peut-on renouveler à l'identique une expérience ?

« Il est possible de répéter l'expérience avec apparemment le même boulet de canon, apparemment au même endroit et apparemment avec la même vitesse initiale, mais on ne peut contrôler individuellement tous les atomes afin de reproduire exactement le même état initial avec une précision infinie. En fait à chaque fois que l'on touche le boulet, quelques atomes sont arrachés à sa surface alors que d'autres sont transférés, ce qui donne des états différents à chaque essai. »

Quelle différence entre des systèmes réellement aléatoires et des systèmes chaotiques ?

« Il sera dit aléatoire si des états apparemment identiques débouchent presque immédiatement sur des résultats différents... L'effet papillon vous interdit des prédictions à long terme mais le déterminisme du chaos rend votre système prévisible à court terme… Le chaos est un mécanisme permettant d'extraire et de mettre au jour l'aléatoire qui réside dans les conditions initiales… Si nous connaissions ces « variables cachées » appartenant au plus grand système, nous arrêterions de croire que le sous-système est aléatoire. Supposons maintenant que nous nous intéressons un système réel que nous pensons aléatoire. Cet état de fait peut être dû à deux raisons : soit nous n'avons pas examiné le système avec assez d'attention, soit celui-ci est irréductiblement aléatoire.

Peut-on prévoir une évolution à long terme ?

« Mais lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secrets pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu'approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c'est tout ce qu'il nous faut, nous disons que le phénomène a été prévu, qu'il est régi par des lois ; mais il n'en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux ; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit... Et c'est pourquoi mon cœur bat et que j'attends tout du hasard (Henri Poincaré, sciences et méthodes). »

Le chaos est-il un mécanisme du vivant ?

« Une des raisons du pouvoir d'attraction qu'exercent ces fables tient à une mauvaise compréhension de ce qu'est la stabilité de la nature. Il est clair qu'un écosystème viable doit être d'une certaine manière stable, sinon il ne pourrait continuer d'exister (c'est la signification même du mot « viable »). Jusqu'à une époque récente, le paradigme de la stabilité était l'équilibre. Par conséquent, il se trouve de nombreuses personnes pour argumenter qu'un écosystème étant une toile complexe d'interactions, la perte d'une partie quelconque de cette toile provoquerait la destruction la stabilité - parce que (« de façon évidente ») cela affecterait l'équilibre. Cette argumentation est fausse sur bien des points… Vous ne pouvez pas déterminer ce qui se passera en vous contentant de regarder la taille de votre perturbation ; cela dépend de la situation de la dynamique par rapport à un éventuel « point de bifurcation », autrement dit de sa sensibilité envers toute modification de ses paramètres... La plupart des gens recherchent des réponses faciles, la plupart des hommes politiques et des groupes de pressions veulent des slogans simples. Les écosystèmes, eux, sont trop complexes pour se plier à cette exigence… Les cerveaux ont besoin du chaos : le chaos est nécessaire aux fonctions cérébrales car le cerveau traite de l'information, ce qui implique une capacité à commuter rapidement d'un état à un autre. Nous avons vu que ce type de flexibilité est caractéristique des systèmes chaotiques, car les systèmes possédant une dynamique plus régulière ne peuvent changer d'état aussi rapidement. Il semblerait donc que le cerveau doit être chaotique pour pouvoir fonctionner correctement. »

14 avr. 2009

« RÉCRÉATION » MATHÉMATIQUE

3,141 592 653 ; 2,718 281 828 ; 4,669 201 609 ; 2,502 907 875… et ADN

Pouvez-vous arriver à imaginer le monde sans nombre ? Difficile non ? Depuis l'enfance, nous vivons dans un monde peuplé de chiffres et de nombres, et nous avons appris à tout compter.

Pourtant, ce simple mécanisme n'est pas si naturel que cela.

Pour compter, il faut d'abord distinguer, c'est-à-dire être capable de séparer : il y a un, deux, trois ou quatre objets devant moi. Chacun des objets est différent des autres et peut être identifié en tant que tel.

Il faut aussi dans le même temps réunir, c'est-à-dire définir que ces objets appartiennent à une même catégorie, distincte du reste du monde.

Par exemple, pour pouvoir dire qu'il y a 4 stylos sur mon bureau, il faut que je définisse le sens de la « catégorie stylo » de façon suffisamment précise pour que seuls ces 4 objets en fassent partie, mais aussi suffisamment floue pour que les 4 en fassent bien partie. En effet, aucun stylo – comme aucun objet réel – n'est vraiment semblable à un autre, et, pour les compter « ensemble », il faut que je les ai considérés comme semblables. Mais sur quelle base ? Il faut donc que j'ai défini un objet théorique et fictif que je vais appeler stylo, et qui aura des attributs permettant l'identification pour les 4 objets, et l'exclusion pour les autres. On peut donc parler d'un processus de normalisation : je définis une norme « stylo » qui va définir ce qui est et ce qui n'est pas « stylo ».

Ainsi toute manipulation de chiffres et tout dénombrement supposent une normalisation implicite et préalable, un passage du monde réel à un monde limite et théorique où des représentations sont à la fois distinguées et confondues : parmi tous les objets qui sont sur ma table, il n'y a que 4 objets appartenant à la catégorie stylo.

Tout ceci repose sur des conventions que nous avons tous apprises dans notre enfance. Inutile d'être capable de théoriser là-dessus – et heureusement ! – pour les appliquer.

Au-delà de ces nombres simples et directement accessibles par l'observation, existent des nombres cachés qui sous-tendent le fonctionnement de notre monde.

Le plus célèbre et connu de tous est le nombre π. Sa valeur – 3,141 592 653… – n'est pas directement accessible au quotidien, mais elle est inscrite dans la géométrie de notre monde : elle est le rapport entre la circonférence d'une cercle et son diamètre. Ainsi si π ne peut pas être « compté » comme on compte des stylos, il est constamment là. Simplement pour l'appréhender, il faut qu'à nouveau je passe par un processus de normalisation, c'est-à-dire de définition de deux objets théoriques, le « cercle » et le « diamètre ». Dans la réalité, je ne trouve jamais de cercle « parfait », ni de diamètre « exact ».

Autre nombre clé : e. Celui-là est moins connu, car il n'apparait que quand on se lance dans le calcul intégral ou dans les limites. Il est pourtant nécessaire à tout calcul physique, même simple. Sa valeur – 2,718 281 828… – est une autre constante-clé de notre monde. Pour la trouver, je dois passer par une limite – soit celle d'une série infinie, soit celle d'une intégrale –. Qui dit limite dit encore processus de normalisation.

Notre monde physique « classique » est donc structuré autour de ces constantes : nous comptons ce que nous voyons, et π et e sont comme les gardiens des lois.

Arrive maintenant la théorie du chaos. Sans entrer dans le détail – impossible dans un article, mais je développerai ce point dans mon prochain livre –, sachez que le chaos n'est pas le désordre absolu : comme l'écrit Stewart dans son livre « Dieu joue-t-il aux dés ? Ou les mathématiques du chaos », « Le chaos est un comportement sans loi entièrement gouverné par une loi ». Ou autrement dit, derrière le désordre apparent, se cache des lois qui le structurent : ordre et désordre sont indissociables. Notamment, à la limite, les structures sont auto-similaires, c'est-à-dire que, à l'intérieur de tout sous-ensemble, je peux retrouver la structure toute entière. Émergent alors deux nouvelles constantes qui structurent ce chaos : 4,669 201 609 et 2,502 907 875.

Ainsi notre monde est sous-tendu non seulement par π et e, mais aussi par des nombres mystérieux et cachés. A chaque fois, il s'agit de structurer des relations et d'organiser des passages : entre le cercle et la droite, entre une série et sa limite, entre des arborescences successives dans un tourbillon chaotique.

De cette matière inerte régie par ces lois, a émergé la vie. Or quelle est une des propriétés les plus troublantes du vivant ? C'est, grâce à l'ADN, la capacité d'une seule cellule à détenir toutes les informations nécessaires à la vie. Le vivant est lui-même « auto-similaire » : le tout est dans la partie. L'ADN est le code de passage d'une cellule à un être vivant, d'un être vivant à un autre.

Drôle de résonance entre tous ces codes cachés…

7 avr. 2009

NOUS SOMMES TOUS DES GAZ CHAOTIQUES

Tous connectés, nous flottons et nous nous entrechoquons.

Chacun de mes pas, chacun de mes mouvements viennent de plus en plus télescoper mon voisin, cet autre que je ne connais pas.

Souvenir d'une discussion dans la campagne provençale, dans les années 80, où le chef de famille local trouvait que sa fille s'était « exilée » en s'éloignant de dix kilomètres. Alors il pouvait choisir celui qu'il ou elle rencontrait. Chacun était dans sa bulle, dans sa « caverne ». On pouvait vivre en oubliant les autres.

Aujourd'hui rien de tel. Nous sommes trop nombreux sur cette planète, nous sommes trop itinérants, nous voyageons trop pour nous penser les uns sans les autres. Que nous le voulions ou pas, nos villes sont devenues multiraciales, notre impact collectif dérègle le climat, la question des ressources en eau et en aliments de base se posent ou se reposent.

Et cet étranger – celui que je ne connais pas –, même s'il est physiquement distant de moi, je peux être connecté à lui au travers de mon organisation professionnelle – les entreprises sont des réseaux vivants qui créent et structurent des liens entre territoires et communautés –, ou au travers de réseaux privés grâce à Internet.

Finalement, si je voulais illustrer mon propos au travers d'une image, je dirai que nos sociétés sont passées d'un état solide à un état gazeux.

Je m'explique.

Par « état solide », je me réfère à ces structures anciennes où la place de chacun était, sauf exception, spatialement figée : j'allais mourir là où j'étais né. De plus les relations étaient des relations de proximité : comme dans un cristal, une molécule est contrainte par sa localisation et n'est en relation qu'avec celles qui lui sont contigües.

Par « état gazeux », je pense à ces nouveaux modes d'organisation et de relation beaucoup plus flous et incertains. Et aussi à ces relations aléatoires, faites des hasards des rencontres, des chocs entre des molécules libérées et flottantes. Cet état gazeux s'accompagne d'une sensation de chaos et d'incertitude, d'une forme d'entropie collective.

Mais n'est-ce pas le signe d'une forme de maturité où la forme – c'est-à-dire l'organisation et la structure – n'est plus le fruit d'une pensée a priori, mais le résultat des interactions collectives ?

Bien sûr, cela vient prendre de travers bon nombre de pensées politiques : classiquement, on imagine que c'est le centre – le président, le gouvernement, les institutions – qui doit définir le droit et les structures. Et si, dans le monde qui devient le nôtre, le rôle du politique était de plus en plus de trier parmi les structures émergentes, et non plus de les définir…