11 déc. 2013

C’EST SÉRIEUX DE JOUER AVEC LES MOTS

L’individu humain : le futur anticipé (2)
Ainsi, les langages tissent-ils en nous et entre nous des fils sociaux, et relient des présents et passés multiples. Dans la continuité de la logique du monde, ils sont un vecteur puissant pour élaborer des nouvelles matriochkas sociales, souples et multiples.
C’est paradoxalement de ce tissage social que naît l’individu humain : à sa naissance, un enfant n’est qu’un individu potentiel, ce sont les relations qui le font devenir lui-même. Car « la relation précède l’individu, pas le contraire. Ce ne sont pas les individus qui créent la société, c’est la société qui crée les individus. » (1). A nouveau la puissance des propriétés collectives : rappelez-vous que ce sont elles qui créent les emboîtements.
Internet est lui aussi un grand jeu de mots planétaire. Essayez donc d’enlever les mots, il ne restera pas grand-chose de l’immense toile qui nous relie de plus en plus. Si les pages web sont de plus en plus animées, et les images omniprésentes, elles sont avant tout faites de mots. Mais nous sommes tellement habitués à leur présence, que nous n’y prêtons guère d’attention. Ainsi va notre monde, nous sommes souvent tellement focalisés sur le détail, sur l’inattendu, sur l’anormal, que nous en oublions ce qui fait notre quotidien : à force de l’avoir sans cesse sous les yeux, nous ne le voyons plus !
Pourtant sans les mots, rien ne serait. Bien peu d’internautes en sont conscients, bon nombre les maltraitent, la plupart les ignorent, et pourtant comment surfer sans être un écrivain à la manière d’un Monsieur Jourdain du XXIe siècle ? Avant de parler de 2.0, de la limite de l’essor des réseaux sociaux, ou de l’importance du "brick & mortar", n’oublions pas ces précieux auxiliaires et approfondissons la compréhension que nous en avons. L’enseignement des langues, notre langue maternelle comme les autres, est le socle du reste.
(…) Bref, les mots, c’est du sérieux, et on ne doit pas laisser aux seuls humoristes l’art de jouer avec, car « lire après tout, est une façon de vivre à l’intérieur des mots d’autrui. » (2)
(1) Donald W. Winnicott cité par Jeremy Rifkin, dans Une nouvelle conscience pour un monde en crise, p.64
(2)  Siri Hustvedt, La femme qui tremble, p.168
(extrait des Radeaux de feu)

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