27 sept. 2012

CHACUN DE NOUS VEUT ÊTRE QUELQU’UN

De la société de semblables à la nouvelle similarité (Démocratie 3)
Parallèlement au passage d’un capitalisme organisation à un capitalisme cognitif ou de singularité (voir mon article d’hier), Pierre Rosanvallon analyse la transformation dans la société, et la nouvelle perception de la similarité : vouloir être quelqu’un.
Pendant longtemps, être égal, c’était être reconnu pour la généralité qu’il y a en soi, généralité qui s’apparente à une forme d’indistinction.
Mais aujourd’hui on ne peut pas accepter d’être considéré comme quelconque : on veut être regardé aussi avec sa singularité, avec ses traits propres.
La similarité révolutionnaire, telle qu’instituée en 1789, était la reconnaissance de l’humanité présente en chacun de nous, l’appartenance à une commune humanité. Elle avait eu à faire face aux trois déviations de la similarité :
- Conformisme : ce qui est similaire devient la masse commune, la médiocrité populaire, le troupeau humain (versus l’homme romantique, l’artiste),
- Indifférenciation : il n’y a plus d’individu, et on n’existe plus qu’en tant que membre d’un groupe. On parle alors des noirs ou des blancs.
- Uniformisation : chacun n’existe plus que comme statut de sujet de droit, comme une abstraction juridique.
Cet excès de similarité, s’il n’y a plus de distinction, arrive à nier l’humain.
En réponse à cette fusion dans le groupe, est apparu la mode, qui est à la fois assimilation et distinction : dans un processus choisi, on fait société avec ce que l’on a de singulier. Il y a eu aussi le développement d’une nouvelle recherche identitaire comme réponse à un déni d’intégration : les communautés de résistance (les noirs, les femmes, les gays), l’égalité dissociative fondée sur la discrimination (qui est perçue comme l’application d’une règle générale incorrecte : comme le mariage interdisant les gays).
Ainsi, la similarité s’est-elle doublement approfondie :
- en multipliant les singularités à respecter,
- en soumettant les règles à une discussion permanente
Mais dès lors face aux changements économiques qui prônent l’individualisation comme moteur du collectif, et à la nouvelle perception de la similarité qui pousse chacun à vouloir être « quelqu’un », comment peut-on encore penser l’égalité ?
(à suivre)

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