27 mars 2012

LA LOI DE L’ENTROPIE ACCROÎT L’IMPRÉVISIBILITÉ, ET NON PAS LE DÉSORDRE

Emboîtements, émergences et incertitude (2)
Depuis le Big-bang, l’univers suit la loi de l’entropie, et, classiquement, comme on dit que l’entropie mesure la quantité de désordre d’un système, le désordre s’accroîtrait. Mais posons-nous une question « simple » : que veut-dire le mot « désordre » et comment pourrais-je être sûr que son niveau s’accroît ? Est-ce que je peux mesurer dans l’absolu le désordre d’un système ? Ou est-ce que je ne le fais pas plutôt au regard d’un ordre, ou d’un ensemble de règles que je considère comme représentant ce qui est ordonné ?
En effet, le désordre ne peut se penser qu’en opposition à un ordre. Il n’existe pas par lui-même. Donc son niveau, non plus. Je ne peux donc pas dire que, dans l’absolu, le désordre d’un système s’accroît. Ce n’est que par rapport à mon référentiel, explicite ou implicite, qu’il s’accroît, en s’en écartant davantage.
Finalement le désordre est une affaire de point de vue, c’est un jugement que l’on porte sur une situation, ce n’est pas une donnée intrinsèque. Combien de fois n’avez-vous pas dit en voyant le bureau d’un collègue de bureau ou d’un de vos enfants : « Mais quel désordre ! Comment fais-tu pour retrouver quelque chose là-dedans ? ». Mais pour ce collègue ou cet enfant, le bureau n’est pas en désordre, et il sait très bien où se trouver chaque chose. Simplement son ordre n’est pas le vôtre. Peut-être que pour vous, ordre veut dire alignement et tas bien structurés, alors que pour lui, c’est une affaire de couleur et de proximité…
Revenons donc à l’entropie, et posons-nous la question suivante : qu’entendons-nous quand nous disons que le désordre s’accroît ? Puisque tout le monde l’affirme, et que tous les scientifiques sont d’accord sur le sens qu’il donne à cet accroissement, cela signifie donc qu’ils ont un référentiel, et que ce référentiel est commun. Sinon, pour les uns, le désordre s’accroîtrait, et pour d’autres pas.
Donc ce que l’on entend par « le désordre s’accroît », c’est que le système s’écarte davantage d’un même ensemble de règles, du même ordre.
Quel est cet ordre ? Je crois que cet ordre implicite est la prévisibilité des trajectoires individuelles de ce qui compose le système.
Reprenons en effet la définition de l’entropie issue de la physique statistique : l’entropie d’un système est fonction du nombre de configurations microscopiques que peuvent prendre les particules qui le composent, et, plus exactement, varie homothétiquement suivant le logarithme de ce nombre. Une configuration est à la fois une façon de placer les particules, et de leur distribuer l’énergie interne.
Donc, si l’entropie est nulle, cela signifie qu’il n’y a qu’une seule configuration, c’est-à-dire que toutes les particules ne peuvent être placées que d’une façon, et qu’il n’y a aussi qu’une façon de répartir l’énergie. On connaît alors exactement comment se trouvent les particules : aucune incertitude. Maintenant si l’entropie s’élève, le nombre de ces configurations s’accroît. Or, plus le nombre de configurations, c’est-à-dire d’états possibles, est grand, plus il est difficile de connaître l’état exact du système, et plus il est incertain et imprévisible.
Ainsi l’entropie ne varie pas en fonction du désordre, notion subjective et pour laquelle on manque d’un mètre étalon, mais en fonction de la prévisibilité. La loi de l’entropie pour un système isolé peut être reformulé comme suit : tout système isolé évolue spontanément en augmentant le nombre de ses possibles et devient d’instant en instant moins prévisible.
Or, l’univers dans sa totalité constitue par construction un système isolé, car, puisque il est considéré dans sa totalité, c’est-à-dire tel qu’il était au moment du big-bang, il ne peut rien exister en dehors de lui.
Aussi, l’Univers est, depuis le big-bang, de moins en moins prévisible, et accroît continûment le champ de ses possibles.
(à suivre)

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