31 janv. 2012

LABEL FRANCE : ET SI BAYROU AVAIT RAISON ?

Pourquoi ne pas parier sur le civisme des Français ?
Quand François Bayrou a proposé la création d’un label France pour relancer l’emploi industriel sur notre territoire, la plupart des commentateurs, qu’ils viennent du monde politique ou journalistique, en ont plaisanté, soit parce qu’il trouvait cette idée inapplicable, soit parce qu’il la pensait inefficace.
Reprenons chacun de ces deux points.
Inapplicable donc. Ses détracteurs ont indiqué, à juste titre, que les processus de production étant très imbriqués, et que souvent les usines situées en France n’étant que des usines d’assemblage, un tel label n’avait pas grand sens.
Certes, mais il y a une donnée qui serait finalement assez facilement mesurable : la part de valeur ajoutée réalisée en France. Pour cela, il suffirait que, lors de la vente d’un quelconque produit, l’entreprise soit tenue d’indiquer cette part.
Comment cela pourrait-il fonctionner ?
-        Si l’entreprise a fabriqué ce produit complètement, à 100 % dans ses usines, elle connaît la part réalisée en France, et pourrait donc facilement l’indiquer. Afin de ne pas créer une usine à gaz, on pourrait se contenter d’une exactitude à 5, voire 10 % près.
-        Si elle ne l’a pas complètement fabriqué, c’est donc qu’elle a intégré des composants achetés à d’autres entreprises. Comme lors des achats, la part réalisée en France figurera sur ces composants, il lui sera aussi facile de calculer la part finale.
-        Restera bien sûr l’amorçage du processus, notamment sur les stocks anciens, pour lesquels l’information n’existera pas au départ. Mais vu l’organisation industrielle qui est de plus en plus en flux tendu, cette limite sera de courte durée.
On peut donc avoir pour chaque produit vendu sur le marché final, une estimation de la part de valeur ajoutée faite en France. Le coût d’une telle évaluation serait minime, car elle deviendrait un calcul informatique automatique.
Comment ensuite communiquer ceci auprès des acheteurs ?
Pourquoi ne pas imaginer trois labels matérialisant la part de valeur ajoutée réalisée en France : par exemple plus de 25% (« assemblé en France »), plus de 50% (« fabriqué en France ») et plus de 75% (« Tout en France »). On aurait donc une modulation qui permettrait à des produits uniquement assemblés en France d’obtenir le label (je pense par exemple aux usines automobiles de marques étrangères), mais d’être différenciés de ceux plus complètement fabriqués sur le sol national.
Comment contrôler l’exactitude de ce taux ? S’agissant d’une nouvelle norme, un contrôle par l’AFNOR s’impose.
Reste maintenant l’autre reproche : ce serait inefficace, car les consommateurs veulent toujours acheter le moins cher possible.
Je ne suis pas sûr du tout de cette affirmation, et je pense au contraire l’inverse : si les consommateurs étaient informés de la part réalisée en France, avec les 3 niveaux, cela orienterait leurs achats vers les produits les plus fabriqués en France. Bien sûr cette préférence ne serait possible que si les performances et les prix étaient proches, et si l’impact sur le pouvoir d’achat restait limité.
Difficile de démontrer évidemment mon affirmation que cela marcherait, mais pourquoi toujours parier sur le manque de civisme et l’incohérence de nos concitoyens ? Pourquoi ne pas parier  sur l’intelligence individuelle et collective ?
Et même si ce déplacement était modeste, il induirait de fait un encouragement à la localisation d’activités en France. De plus c’est un procédé libéral, qui ne crée pas de biais sur le marché, et dont le coût pour l’État est voisin de zéro.
Alors pourquoi ne pas le mettre en œuvre ?
La logique aussi voudrait ensuite d’avoir un label du même type au plan européen, permettant de mettre aussi en relief les produits dont la part de valeur ajoutée est essentiellement européenne.
Et quelle pourrait bien être une meilleure idée, sachant que je ne crois pas au dirigisme, ni une politique industrielle impulsée par l’État : comment imaginer que la réponse efficace à la montée de l’incertitude serait dans une centralisation des décisions ?

30 janv. 2012

QUI ARRÊTERA L’HÉMORRAGIE FINANCIÈRE DES PME AU PROFIT DE LA DISTRIBUTION, DES BANQUES ET DES GRANDES ENTREPRISES ?

Tant que le transfert de propriété aura lieu à la livraison, et non pas au paiement, nous n’aurons pas d’entreprises moyennes
En octobre 2011, dans un article intitulé Faut-il que les PME financent les grandes entreprises ?, je faisais part de mon scepticisme sur les plans en faveur des PME, ayant l’impression depuis trente ans d’entendre la même ritournelle. Pourquoi celle-là serait-elle la bonne ?
J’insistais aussi sur ce qui me semblait la réelle origine du problème, à savoir le crédit inter-entreprises, et en le reliant aux modalités du transfert de propriété. Les commentaires provoqués et diverses discussions m’amènent à revenir dessus et à préciser mon propos.
Tout d’abord, rappelons nous que le problème français n’est pas d’abord la création d’entreprises et le manque de petites entreprises, mais son déficit en entreprises moyennes. Pourquoi ce déficit est-il source d’un manque de compétitivité très importante ? Je vois trois raisons essentielles :
-        Les entreprises moyennes sont celles qui sont capables d’avoir des positions de leadership au plan mondial. La démonstration en est faite par l’Allemagne, dont les performances de la balance commerciale reposent largement sur son tissu d’entreprises moyennes.
-        Elles sont à même de mieux structurer l’innovation et d’assurer comme une courroie de transmission entre petites et grandes entreprises.
-        Le déficit en entreprises moyennes empêche le bon renouvellement des grandes entreprises françaises, et freine la respiration de notre économie. En effet, aucune entreprise ne peut devenir « grande » sans passer par la case « moyenne » !
Voilà donc pourquoi la priorité devrait être donnée au développement d’entreprises moyennes.
De ce point de vue, les mesures en faveur des PME que vient d’annoncer François Hollande et qui modulent l’impôt en fonction de la taille, en donnant la priorité aux plus petites, passent à côté du sujet…
Pourquoi maintenant le crédit inter-entreprises, et les modalités du transfert de propriété sont-ils l’origine du problème.
Je rappelle que :
-        Dans le droit latin, le transfert est effectué à la livraison. L’acheteur n’est donc pas juridiquement contraint à le payer, avant de le transformer ou le revendre. Le délai de paiement est issu du rapport de forces entre l’acheteur et le fournisseur. Aussi dès que l’acheteur est une grande entreprise, le rapport de forces lui étant favorable, le délai de paiement se rallonge.
-        Dans le droit anglo-saxon, le transfert de propriété n’est pas effectué à la livraison, mais au paiement. Aussi, si une entreprise veut transformer un bien en l’intégrant dans son processus de production, ou le revendre à un client, elle ne peut le faire qu'après l’avoir effectivement payé. D’où le développement du paiement comptant, ou quasi comptant.
Au vu de l’allongement des délais de paiement, on a en France cherché à compenser ceci d’abord par l’institution d’une clause de réserve de propriété, puis par une loi d’août 2008 disant qu’aucun délai de paiement ne doit être supérieur à 45 ou 60 jours.
Mais, tout ceci reste de portée limitée, car comme c’est à la PME de, soit imposer la présence d’une clause de réserve de propriété dans le contrat, soit de se retourner contre son client en cas de retard de paiement, elle ne le fait que si le rapport de force lui est favorable… c’est-à-dire jamais ou presque.
Quelles sont les conséquences de ces délais de paiement ?
Calculons l’effet de 30 jours supplémentaires. Tout délai supplémentaire d’un mois représente un besoin de trésorerie de un douzième du chiffre d’affaires, soit environ 8%. Pour une entreprise en croissance rapide, disons une croissance de 30%, ce mois supplémentaire représente plus de 10% du chiffre d’affaires de l’année passée. Pour financer ce besoin en trésorerie, le dirigeant va devoir se retourner vers sa banque, pour avoir un prêt court terme. Pour cela, la banque lui demandera des garanties personnelles, et le taux annuel sera supérieur à 5%, et souvent proche de 10%.
Donc 30 jours supplémentaires se traduisent pour une PME en forte croissance dans un surcoût de l’ordre de 1%. Comme l’écart avec les entreprises allemandes est souvent de 60 jours de délai de paiement, le surcoût est de 2%. Toute PME en croissance rapide doit donc consacrer souvent 2% de son chiffre d’affaires de l’année passée, juste pour financer son besoin de trésorerie. Il lui faut donc des niveaux de profit exceptionnels pour pouvoir grandir et financer tout le reste !
Il y a plus. Comme la banque demande des garanties personnelles, le dirigeant ne pourra plus les apporter dès que la taille de son entreprise deviendra plus grande, car son patrimoine, sauf exception, sera trop petit face au besoin de financement. Ceci bloque donc le développement au-delà d'une certaine taille. Faudrait-il que les banques ne demandent plus de telles garanties, et ne financent qu’au vu du projet ? Au moment où l’on veut diminuer les risques pris par les banques et que l’on veut limiter leurs activités spéculatives, je ne suis pas certain que ce soit la meilleure voie.
Ne serait-il pas plus simple de modifier notre droit, et nous aligner sur le droit allemand, en faisant que la règle soit le transfert de propriété au paiement.
Mais il est vrai que tout ceci mettrait à mal toute la grande distribution et bon nombre de grandes entreprises...
Alors arrêtons de nous lamenter sur le manque d’entreprises moyennes, notre déficit commercial et la dégradation de l’emploi.
A moins que les élections à venir soient l’occasion de traiter les problèmes, et non plus les symptômes…

27 janv. 2012

“I HAVE TRIED IN MY WAY TO BE FREE”

Ballade aléatoire et subjective
Promenade dans les mots de Léonard Cohen, avec lesquels j’ai joué pour les décomposer et les recomposer…
Ah, the moon's too bright, the chain's too tight, the beast won't go to sleep.
I’m turning tricks, I’m getting fixed, I’m back on Boogie Street.
Here I stand, I'm your man.
Dance me to the end of love.

You want to travel with him, and you want to travel blind, 
and you think maybe you'll trust him for he's touched your perfect body with his mind.
Like any dealer he was watching for the card that is so high and wild he'll never need to deal another.
It opens do not be afraid, it's you my love, you who are the stranger.

And what can I tell you my brother, my killer, what can I possibly say? 
I guess that I miss you, I guess I forgive you, I'm glad you stood in my way.
If I, if I have been unkind, I hope that you can just let it go by. 
If I, if I have been untrue I hope you know it was never to you.
When it all comes down to dust, I will kill you if I must, I will help you if I can.
When it all comes down to dust, I will help you if I must, I will kill you if I can.
Oh like a bird on the wire, like a drunk in a midnight choir, I have tried in my way to be free.

26 janv. 2012

POSSIBLES, IMPOSSIBLES ET RÉALITÉ

Perdu dans les alvéoles de la Bibliothèque de Babel
Que veut dire qu’un état est possible ? Est-ce à dire qu’il va se réaliser ? Non, cela indique seulement qu’il est susceptible de l’être, qu’il n’est pas impossible. Ni plus, ni moins.
Faisons un détour par la Bibliothèque de Babel1, une nouvelle de Jorge Borges. Cette bibliothèque contient tous les livres susceptibles d’être écrits, dans le passé comme dans le futur. Comment est-ce possible ? Simple et lumineux : les livres qui la composent, regroupent toutes les combinaisons imaginables entre les lettres. Il y a donc une quasi infinité de livres, sur une quasi infinité d’étagères, dans une quasi infinité d’alvéoles. Les bibliothécaires s’y promènent, prenant en main, de temps en temps, un livre et s’extasiant quand ils tombent sur une phrase qui a un sens. Car bien sûr dans cet océan des possibles, il y a d’abord des combinaisons qui n’ont aucun sens.
Dans la nouvelle, l’un d’eux disserte sur l’idée qu’il pourrait y avoir un chemin, une façon de trouver les livres comprenant au moins des paragraphes porteurs de significations. Mais c’est évidemment impossibles : face à l’infini des possibles, il est impossible de trouver le chemin du réel, c’est-à-dire du sens. Et pourtant comme l’a écrit Borges : « Il suffit qu’un livre soit concevable pour qu’il existe. Ce qui est impossible est seul exclu. (…) Cette inutile et prolixe épître que j’écris existe déjà dans l’un des trente volumes des cinq étagères de l’un des innombrables hexagones – et sa réfutation aussi ».
Ainsi va notre Univers qui agrandit sans cesse sa bibliothèque de Babel, et nous perd dans les méandres de ce qui n’existera jamais.
(1) Fictions, Folio 1957

25 janv. 2012

« C’EST LE RÉEL QUI FAIT LE POSSIBLE, ET NON PAS LE POSSIBLE QUI DEVIENT RÉEL »

Est-il possible de penser le temps et le possible ?
Patchwork de « Le possible et le réel » de Henri Bergson
Sur le temps
« Le temps est ce qui empêche que tout soit donné d’un coup. Il retarde, ou plutôt il est retardement. Il doit donc être élaboration. »
« Demain n’existe pas ; rien de ce qui se passera demain n’existe. Par conséquent, demander si cette proposition : « Je me promènerai demain » est vraie ou fausse, c’est poser une question qui n’a pas de sens, parce que c’est demander si cette proposition est conforme ou contraire à ce qui existe, et que demain n’existe pas encore, n’existe pas maintenant. »
« Il est du caractère de la vérité, dès qu’elle nous apparaît comme vérité, de sauter hors du temps et de nous apparaître comme intemporelle. Pourquoi cela, et quelle est la racine de cette illusion ? Elle tient, Messieurs, à ce que j’indiquais tout à l’heure, au caractère essentiellement mathématique de notre esprit. Je disais que nous ne sommes à notre aise que dans les mathématiques. Le caractère des vérités mathématiques, c’est précisément d’être intemporelles, d’être indépendantes du temps. (…) Une proposition comme celle-ci :  « Je me suis promené hier »… a ceci de commun avec les propositions mathématiques qu’à partir du moment où elle est vraie, à partir du moment où elle est devenue vraie, elle reste éternellement vraie. (…) Seulement les vérités mathématiques ont ceci de remarquable que bien qu’elles aient été découvertes à une certaine date, leur éternité remonte en arrière à l’infini. Cette proposition relative au triangle : « La somme des trois angles d’un triangle est égale à deux droits », cette vérité, quoiqu’ayant été découverte à un moment déterminé, est une vérité éternelle, qui a remonté en arrière, cela est vrai de toute éternité. »
Sur le possible et le réel
« Je voudrais revenir sur un sujet dont j’ai déjà parlé, la création continue d’imprévisible nouveauté qui semble se poursuivre dans l’univers. Pour ma part, je crois l’expérimenter à chaque instant. J’ai beau me représenter le détail de ce qui va m’arriver : combien ma représentation est pauvre, abstraite, schématique, en comparaison de l’événement qui se produit ! »
« La réalité est croissance globale et indivisée, invention graduelle, durée : tel un ballon élastique qui se dilaterait peu à peu en prenant à tout instant des formes inattendues. »
« Dans ce sens particulier, on appelle possible ce qui n’est pas impossible. (…) Possible signifiait tout à l’heure « absence d’empêchement. »
« C’est le réel qui fait le possible, et non pas le possible qui devient réel. »
Sur la pensée rétrograde
« Je dis qu’il y a des pseudo-problèmes, et que ce sont les problèmes angoissants de la métaphysique. Je les ramène à deux. L’un a engendré les théories de l’être, l’autre les théories de la connaissance :
-        (Le premier) ne se pose que si l’on se figure un néant qui précéderait l’être. On se dit : « Il pourrait ne rien y avoir. » (…) Mais analysez cette phrase : « Il pourrait ne rien y avoir. ». Vous verrez que vous avez affaire à des mots, nullement des idées, et que « rien » n’a ici aucune signification. (…) Nous ne percevons que du plein. (…) Ou l’idée d’une suppression de tout a juste autant d’existence que celle d’un carré rond.
-        Tout désordre comprend ainsi deux choses : en dehors de nous, un ordre ; en nous, la représentation d’un ordre différent qui est seul à nous intéresser. »
« Comment ne pas voir que si l’événement s’explique toujours, après coup, par tels ou tels des événements antécédents, un événement tout différent se serait aussi bien expliqué, dans les mêmes circonstances, par des antécédents autrement choisis – que dis-je ? par les mêmes antécédents autrement découpés, autrement distribués, autrement aperçus enfin par l’attention rétrospective ? »
« A toute affirmation vraie nous attribuons ainsi un effet rétroactif ; ou plutôt nous lui imprimons un mouvement rétrograde. (…) Elle paraît ainsi avoir préexisté, sous forme de possible, à sa propre réalisation. De là une erreur qui vicie notre conception du passé ; de là notre prétention d’anticiper en toute occasion l’avenir. »
« Les signes avant-coureurs ne sont donc à nos yeux des signes que parce que nous connaissons maintenant la course, parce que la course a été effectuée. »

24 janv. 2012

LA VALORISATION FINANCIÈRE CORRESPONDE-ELLE À LA VALORISATION ÉCONOMIQUE RÉELLE ?

Attention à ne pas avoir un système central surpuissant… mais malade
Extrait de Neuromanagement (écrit pendant l’été 2008)
Prenons le cas d’un opérateur de télécommunications. Selon la durée d’amortissement choisie pour son réseau, la rentabilité financière va se trouver très impactée. Or elle n’est pas nécessairement reliée à la réalité économique de ce réseau, c’est-à-dire à son obsolescence technologique. Il en est de même pour bon nombre d’investissements industriels majeurs.
Ajoutons toutes les incertitudes sur la valorisation des actifs immatériels comme par exemple la marque.
On voit rapidement que le mode de calcul de la rentabilité d’une activité ne mesure pas nécessairement sa valeur économique : c’est le résultat de conventions plus ou moins proches du réel.
Or la surpuissance du système financier amène à orienter toutes les entreprises dans une logique financière : il devient l’étalon unique de mesures de la performance et influence directement toutes les décisions prises dans les entreprises.
Il déclenche une fuite en avant de la recherche de rentabilité : si une entreprise a atteint une rentabilité de X %, elle devra l’année suivante dépasser X. Et si elle ne le dépasse pas, comme tout le système financier, par ses modèles d’optimisation, a déjà vendu le profit futur sur les bases de la poursuite de la progression, l’entreprise peut se trouver menacée dans son existence ou du moins perdre son autonomie…
L’exactitude des modèles utilisés devient donc critique. Ainsi, sans contre-pouvoir face à lui, à force de renforcer sa puissance, à force d’élargir son étendue, à force de complexifier sa structure, le système financier risque de dériver du réel, c’est-à- dire de se décorréler de la production effective de richesse.
Attention à ne pas avoir un système central surpuissant… mais malade. 

23 janv. 2012

LE COÛT DU TRAVAIL N’EXPLIQUE PAS L’ÉCART AVEC L’ALLEMAGNE

Depuis plus de 30 ans, l’emploi industriel en France est retard par rapport à l’Allemagne
Donc la messe est dite, l’emploi industriel quitterait la France parce que le coût du travail y est trop élevé.
C’est une étude de Rexecode qui vient de le réaffirmer. Dans la présentation résumée de cette étude, il est dit que : « Le coût de l’heure de travail a augmenté plus rapidement en France qu’en Allemagne. Il s’établit aujourd’hui au moins au niveau du coût allemand et plus probablement au-dessus. Si l'on tient compte des écarts de productivité (coûts salariaux unitaires), l'écart est de 14% en défaveur de la France. Il explique largement la divergence de compétitivité entre les deux pays. » (1) (la courbe ci-jointe est issue de cette étude)
Notons d’abord que les conclusions de cette étude ont fait l’objet de contestations immédiates. Les Échos attirait l’attention que l’écart annoncé sur le temps de travail ne se retrouvait pas dans les autres catégories de travailleurs(2). Le journal Le Monde indiquait, lui, que la méthode de calcul du temps de travail moyen avait changé en 2003, et que la baisse du temps de travail n’était, selon l’INSEE, que de 5,2%, et non pas 13,9%. (3)
Notons ensuite que, selon l’OCDE, la France était en 2005 en tête en matière de productivité horaire du travail(4), et, selon KPMG, en 2010, largement devant les États-Unis et l’Allemagne pour ses coûts d’exploitation(5).
Pas facile donc de démêler le vrai du faux… comme toujours quand on manie des grandeurs macroéconomiques, et forcément abstraites et sujettes à caution.
Essayons donc de les rapprocher de données suffisamment simples pour être incontestables, à savoir quelques macro-indicateurs donnés par la Banque mondiale, et pour éviter toute polémique sur le sens de leur variation, en les arrondissant à l’extrême (c’est-à-dire en ne tenant pas compte des variations de quelques %).
Regardons comment évolue la part de l’industrie dans le PIB de la France et de l’Allemagne : elle est respectivement de 19 et 27% en 2009, de 22 et 30% en 2001, 27 et 37% en 1991, et 31 et 40% en 1981. Ainsi si le poids de l’industrie est effectivement nettement plus faible en France qu’en Allemagne, l’écart existe depuis plus de 30 ans, et s’est plutôt réduit en valeur absolu (passant de 9/10% à 8%)(6).
Or dans la même période, le coût du travail entre les deux pays a fortement varié. Il suffit pour cela de jeter un coup d’œil à la courbe fournie par Rexecode.
Ceci montre bien que le problème – s’il y en a un –, se situe ailleurs.
Par ailleurs, je rappelle, comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, que, en 2010, un Français moyen a un revenu d’environ quatre fois celui d’un Brésilien, neuf fois d’un Chinois et vingt-sept fois d’un Indien(7). Comment imaginer qu’un écart de 10% –  à supposer qu’il soit vrai –, explique les meilleures performances allemandes ?
Non, les explications sont à chercher ailleurs.
La baisse tendancielle est due à la convergence des économies entre nos pays et les pays émergés (ex-émergents) (voir mon article La crise n’est pas née en 2008, elle est l’expression du processus de convergence des économies)
Le décalage de la France versus l’Allemagne est lié :

(3) Débat sur le temps de travail effectif des salariés français, Le Monde du 14 janvier 2012

20 janv. 2012

ECRITURES NOCTURNES

Des mots jetés au hasard
Parfois, au détour d’une sensation, dans la profondeur d’une nuit, à l’appui d’un verre, il m’arrive de laisser courir les mots. En voici deux exemples.

Libre...
Il est des cris dans la nuit 
Qui restent des cris impossibles, 
Il est des cris dans la nuit 
Qui restent des cris inutiles.
Et il faut pourtant au matin, 
Sans raison évidente, sans raison valable, 
Se lever pour poursuivre le chemin de sa vie.
Un jour parfois, on comprend,
La question ne sert à rien, 
Et il ne sert à rien de vivre, 
Personne n’a jamais décidé, 
Voulu, ni attendu celui que l’on est, 
Construit au hasard des rencontres, 
Là, juste parce qu'on l'est devenu.
Alors fort de cette incertitude totale,
Vide de sa propre existence, 
On peut enfin, 
Sans pression, sans attente, 
Se lever le matin,
Et poursuivre son chemin
De hasard et de liberté.
______________
Vide...
Pourquoi a-t-on, 
Dans le froid de la nuit, 
Dans la couleur d’un ciel étoilé, 
Dans l’émotion d’une main serrée, 
Dans les pleurs d’un enfant, 
La sensation que la vie a un sens ?
Et pourtant, 
Chacun de nous, 
Chaque pièce du puzzle,
Chaque instant du temps qui passe 
N’est que molécules qui s’entrechoquent, 
Pourquoi imagine-t-on un Dieu, 
Caché en un lieu connu de lui seul, 
Voulant et pensant tout cela ?
Et pourtant, 
Quand la mort survient à rebours d’une passion, 
Quand le froid nous terrasse, 
Quand l’enfant que l’on n’est plus 
Nous reprend par une main, 
Quand la chaleur nous abandonne, 
Nous avons au fonds de notre corps, 
Le froid absolu d’un vide abyssal.

19 janv. 2012

IMPOSSIBLE DE SAVOIR SI LE TAUX DE CROISSANCE FRANÇAIS EST DE -0,5 OU +3,5%

Arrêtons de dire et faire n’importe quoi
L’ensemble des experts économiques, et des responsables politiques prennent actuellement leurs décisions au vu des taux de croissance des économies, et de leur évolution. Comme ceci se traduit dans l’évolution effective des taux d’intérêt que chacun de nous, directement ou indirectement, payons, ainsi que dans le niveau de nos impôts et la qualité effective des services publics, il est important de s’assurer que ces taux sont bien pertinents.
Reprenons donc comment ils sont calculés.
Tout part du PIB, c’est-à-dire du produit intérieur brut. Il faut d’abord accepter que ce PIB soit représentatif effectivement l’économie réelle du pays en question. Cela reste à démontrer, mais, soyons bon prince, et acceptons-le…
Ensuite, on calcule donc le taux de croissance du PIB, c’est-à-dire la variation de ce PIB pour une durée donnée, qui est le plus souvent l’année : on prend donc le PIB d’une année N que l’on compare à celui de l’année N-1.
Supposons que le PIB soit mesuré à 1% près. Cela signifie que l’on ne sait pas si la réalité se situe en dessus ou en dessous, et ce à un pour cent. Comme les phénomènes de la vie sont chaotiques, on ne peut pas non plus dire que l’on se trompe toujours dans le même sens. On peut juste au mieux espérer avoir borné le taux d’erreur à 1%. Donc si l’on se trompe par excès lors de l’année N-1, rien ne dit que l’on ne se trompe pas par défaut en année N, ou l’inverse.
Que se passe-t-il alors pour le taux de croissance ?
-        Si le taux de croissance calculé est de 2%, le taux de croissance est en fait compris entre 0 et 4%, et sans que l’on puisse dire où il se trouve dans l’intervalle. (1)
-        Si le taux de croissance calculé est de 1%, l’imprécision est cette fois plus forte, car on ne peut même plus être certain qu’il y a bien une croissance, car le taux se situe entre -1 et 3% ! (2)
Supposons maintenant que le PIB soit calculé dix fois plus précisément, c’est-à-dire à 0,1% près, que se passe-t-il ?
-        Si le taux de croissance est de 2%, il est compris entre 1,8 et 2,2%.(3)
-        Si le taux de croissance est de 1%, il est compris entre 0,8 et 1,2%.
Comme les taux de croissance de tous les pays occidentaux se situent entre 1 et 2%, et que l’on tire des conclusions sur eux-mêmes et leurs variations, j’en déduis donc que l’on sait calculer les PIB à 0,1% près.
Comment sérieusement pourrais-je croire cela ? Mon expérience de consultant m’a montré que la réalité du  chiffre d’affaires d’une entreprise est au mieux approchée à quelques % près. Comment pourrait-on faire mieux pour un pays, réalité infiniment plus complexe et mouvante ?
J’en conclus donc que tout ce que l’on raconte et énonce à partir des taux de croissance est sans fondement…
Pour ce qui est de la France, le taux de croissance est annoncé à 1,5% pour 2010. Si l’on admet que le PIB de 2009 et 2010 est exact à 1% près, le taux français est en fait compris entre -0,5% et 3,5%, et nous n’avons aucun moyen de savoir où il se situe au sein de cet intervalle.
Or on discute d’évolution du taux de croissance de + ou – 0,2%, évolution qui ne serait même pas mesurable, si le PIB était exact à 0,1% près !
Et je fais remarquer que le plus probable est que l’on se trompe de beaucoup plus que de 1% sur le PIB, ou encore que l’écart entre le PIB et la réalité de l’économie française est de plus de 1%...
Et dire qu’en plus, on parle de taux de croissance prévisionnel !
Tout ceci ne serait pas grave si l’on était en train de jouer au Monopoly avec de faux billets. Mais c’est bien de l’argent, du travail et de la vie de tout un chacun qu’il s’agit !
Mon propos n’est évidemment pas de dire que l’on devrait se désintéresser de savoir comment va l’économie de nos pays, et si elle est ou non en croissance, mais que ces taux ne le mesurent pas, et ne veulent rien dire.
Ne serait-il pas temps de s’en rendre compte, et d’arrêter de – excusez la brutalité de mon propos – dire, et  donc de faire collectivement n’importe quoi ? Il y a urgence…

(1) Le PIB initial est donc compris entre 99 et 101, et le PIB après croissance entre 101 et 103 (102 ± 1). Comme on ne peut pas affirmer que l’erreur est toujours dans le même sens, le taux de croissance est compris entre (103/99 - 1) et (101/101 - 1), soit 4% et 0%.
(2) Le PIB initial est toujours compris entre 99 et 101, et après croissance cette fois, il est entre 100 et 102 (101 ± 1). Le taux de croissance est donc compris entre (102/99 – 1) et (100/101 – 1), soit entre 3% et -1%
(3) Le PIB initial est compris cette fois entre 99,9 et 100,1, et après croissance entre 101,9 et 102,1. Le taux de croissance est donc entre (102,1/99,9 - 1) et (101,9/100,1)/100,1 – 1), soit  entre 2,2 et 1,8 %.
(4) LE PIB initial est toujours entre 99,9 et 100,1, et après croissance cette fois entre 101,1 et 100,9. Le taux de croissance est donc entre (101,1/99,9 – 1) et (100,9/100,1 – 1), soit entre 1,2 et 0,8%.

18 janv. 2012

EST-IL RAISONNABLE DE CONTINUER À DÉRAISONNER EN ÉCONOMIE ?

Défiance, affirmation et autoréalisation
Dans un article paru sur ce blog le 15 mars 2010, je me faisais l’écho de la conférence tenue par Yann Algan en décembre 2009 à l’École Normale Supérieure. Dans cette conférence, il montrait  qu’il y a un lien direct entre le niveau de confiance dans un pays et la performance économique : par exemple, plus le degré de confiance est élevé, plus le pourcentage d’investissement l’est aussi, ce qui « est d’autant plus fondamental dans nos économies d’innovation ». Ou encore, moins il y a de confiance, moins il est facile de créer une entreprise, car plus les contrôles sont tatillons et multiples.
Or que faisons-nous en ce moment en Europe, et singulièrement en France, à part développer un climat de défiance ? Et cette défiance est généralisée : vis-à-vis des dirigeants publics comme privés, vis-à-vis du futur comme du présent, vis-à-vis du reste du monde comme de ses voisins immédiats.
Cette défiance est notamment nourrie par la cascade constante des calculs économiques et des prévisions. Défiance qui accélère donc la récession et la dimension des problèmes… rendant les prévisions pessimistes encore plus vraies.
Que pensent les économistes de leurs prévisions et du sérieux du calcul économique ?
La lecture du numéro de juin-juillet 2010, de la revue Jaune et la Rouge, revue des anciens de l’École Polytechnique, qui était consacré aux « Nouveaux défis de la théorie économique »1, est instructive :
- Patrick Artus, Directeur des études et de la recherche de Natixis, y disait que les économistes utilisaient des « modèles mathématiques (…) très éloignés de la réalité » et qu’il était difficile de « prévoir l’économie dans un monde d’équilibres multiples, ou, de manière équivalente, de crises systémiques ».
- André Lévy-Lang, ancien Président de Paribas, écrivait que : « C’est sans doute la faiblesse la plus grave des premiers modèles utilisés par les financiers, ils ne prennent pas en compte le comportement des acteurs des marchés. ». Il ajoutait ce propos paradoxal et du style méthode Coué : « Et pourtant, avec ces modèles très imparfaits, voire faux, les marchés de dérivés se sont développés, et ils ont permis, en trente ans, de créer beaucoup de richesses, non seulement pour les financiers mais pour l’ensemble des économies mondiales. »
- Thierry de Montbrial,  fondateur de l’Institut français des relations internationales et ancien Directeur Général du Centre d’analyse et de prévision, était encore plus net en disant que : « L’incertitude pure affecte à des degrés divers la vie de tous les hommes. Chacun a sa part, fut-elle modeste, de création et de liberté. C’est pourquoi aucun raisonnement probabiliste ou statistique ne pourra jamais enfermer durablement les comportements humains même agrégés. (…) On ne doit pas prendre la science économique trop au sérieux, c’est-à-dire jusqu’au point de métamorphoser des modèles théoriques en dogmes ou idéologies, ce qui est manifestement une tentation pour certains scientifiques en mal de notoriété. »
Mais donc si l’on ne peut pas prendre la science économique au sérieux, pourquoi donne-t-on tant d’importance à des données comme le PIB ou le taux de croissance ? Pourquoi s’appuie-t-on dessus pour évaluer la performance d’un pays, son risque et le taux d’intérêt pour ses emprunts ?
Car ce taux d’intérêt sera lui bien réel, et conditionnera alors la capacité du dit pays à faire face à ses dettes, dettes qui sont elles-aussi bien réelles ?
Est-ce bien raisonnable de continuer à déraisonner ?

17 janv. 2012

« REGARDEZ, NOTRE TGV A DÉRAILLÉ ! »

Comment savoir ce qui se passe vraiment ?
Voilà une heure et demie que nous avions quitté Paris. Besoin de savoir où nous nous trouvions, car nous étions partis en retard. Quelques secondes plus tard, grâce à mon iPhone et à Google Maps, j’avais la réponse : nous nous trouvions encore au Nord de Macon.
En regardant, mon écran, je ne pus m’empêcher de laisser échapper à voix basse, mais suffisamment haute pour que mon voisin pût m’entendre : « Tiens, nous venons de dérailler ! »
A son regard, je vis qu’il me prenait pour un fou. Aussi me tournant vers lui, je continuai, cette fois, à voix haute :
« Eh bien oui, selon mon iPhone, le TGV vient de dérailler. Le GPS est trop fiable. La technologie ne peut pas se tromper. Qui a raison lui ou nous ? »
Il me regarda alors, en pensant que vraiment, j’étais un fou. Je poursuivis, en tournant vers lui mon iPhone :
« Regardez mon écran. Voyez ce point, c’est notre train, et le trait le rail. Depuis un moment, le point n’est plus sur le rail. Donc nous avons déraillé. »
Je marquai une pause pour laisser un peu plus le malaise s'emparer de lui.
« Il est vrai que nous sommes dans le train, et que nous pouvons constater que le TGV n’a pas déraillé. Donc le GPS ou la carte de Google Maps doivent se tromper. Si notre train n’était plus sur les rails, nous nous en serions rendus compte. Mais maintenant imaginez que vous êtes au siège de la SNCF, que vous suivez grâce à ce logiciel le bon déroulement des voyages en TGV, et que vous vous fiez là-dessus pour déclencher les alertes. Vous êtes devant un tableau de commandes, vous n’êtes pas dans le train, vous avez seulement cette application. Pour vous, c’est sûr, le train a déraillé. Donc vous déclenchez l’alerte, vous envoyez gendarmes, secours, hélicoptères, et tutti quanti ! »
Il me regarda en souriant et nous avons continué à parler de la fragilité des tableaux de bord et des outils de pilotage.
Car, ainsi va la vie, nous croyons avoir accès au réel, alors qu’en fait, nous n’avons accès qu’à une représentation du réel, et nous n’arrêtons pas d’envoyer des hélicoptères pour des TGV qui n’ont pas vraiment déraillé.
A propos, sommes-nous si sûrs que le PIB mesure vraiment ce qui se passe dans un pays ? Et les taux de croissance et d'inflation ? Et les prévisions sur ces mêmes indicateurs ? Sommes-nous en train de dérailler ? ....

16 janv. 2012

TRUFFES ET INNOVATIONS, MÊME COMBAT !

Sans processus rigoureux, les innovations restent méconnues et non valorisées
La saison des truffes est aussi de retour. Pour s’en persuader, il suffit de marcher dans les rues de Richerenches1, un samedi matin  pour être envahi des arômes entêtants de ce diamant noir.
Comment sont-elles arrivées là ? Est-ce le fruit du hasard ou d’une recherche méthodique ?
Les deux à la fois.
La naissance de la truffe, même si elle peut être stimulée – on plante des jeunes chênes dits truffiers, c’est-à-dire « ensemencés », et on choisit le bon terrain, celui où l’on sait que l’on a trouvé des truffes dans le passé, ou à proximité d’une truffière existante – et encouragée – on retourne le sol, mais pas trop, on arrose s’il le faut, mais pas trop… –, reste un phénomène largement non maîtrisée, et très aléatoire. Sa naissance n’a vraiment rien à voir avec le  processus organisé et structuré des autres cultures, comme par exemple celle du blé ou du maïs.
Mais si sa naissance est dominée par le hasard, sa recherche ne l’est elle pas du tout : on ne trouve pas les truffes en se promenant au beau milieu des arbres et en rêvassant. Elle est le fruit d’une méthode rigoureuse et éprouvée2. D’abord avoir des chiens dressés et obéissant à leur maître : cet apprentissage est un préalable long et indispensable, car un chien ne nait pas truffier, il le devient. Ensuite, venir deux fois par semaine et s’assurer que les chiens vont bien parcourir systématiquement toute la truffière : on met alors en œuvre méthodiquement ce qui est le résultat de l’apprentissage. Enfin trier le résultat final – en séparant les variétés, mélanosporum ou brumales, et en les calibrant –, et mener la négociation avec l’acheteur : cette tâche de finalisation est rapide, mais essentielle, car elle peut accroître significativement la valeur du lot.
Ainsi si la truffe naît largement par hasard – ou plus exactement, selon des lois que nous ne maîtrisons pas vraiment –, c’est un processus précis et complexe qui l’amène dans les rues de Richerenches.
Mais me direz-vous, tout le monde n’a pas l’occasion de s‘y promener, et ses effluves ont beau être fortes, elles n’atteignent pas le métro parisien. Certes, mais on peut en être averti par un commentaire à la radio, ou une apparition d’un plan sur le menu d’un restaurant.
Oui, mais tout le monde n’écoute pas la radio au moment précis où l’on va en parler, ni n’a les moyens d’aller dans un restaurant de luxe. Donc pour la plupart des gens, rien n’est arrivé, et la vie continue comme avant, truffe ou pas.
Ainsi va le monde… et ainsi va l’innovation :
-        Comme la truffe, l’innovation naît dans des terrains fertiles et ensemencés, mais selon des logiques qui nous échappent et que nous ne maîtrisons pas vraiment, joie de la « serendipity ».
-        Comme la truffe, sans processus documenté, précis et rigoureusement suivi, l’innovation reste théorique car inconnue, et non rentable, car mal valorisée.
-        Comme la truffe, cette innovation, une fois révélée, le sera au bénéfice des acteurs qui seront sur son marché au bon moment et au bon endroit. Les autres en profiteront… mais devront payer le prix cher, pour le plus grand bénéfice des innovateurs.
(1) Situé en Drôme provençale, le marché aux truffes de Richerenches est le premier marché français. Voir à ce sujet, l’article que je lui avais consacré l’année dernière : Tu m’en donnes combien de mon lot ?