3 sept. 2010

QUAND DIEU SE FÂCHE POUR DE VRAI !

Histoire de caverne (saison 5 – Épisode 9)

A l'issue des trois épreuves, l'égalité était parfaite quand une voix jaillit du ciel

« Alors vous faites moins les malins, continua la Voix. Vraiment je n'aime pas avoir à intervenir de la sorte : à chaque fois que je descends sur Terre, cela ne me réussit pas et je prends froid. »
De rage, il laissa jaillir un éclair, histoire aussi peut-être de se réchauffer…
« Bobby, Paulo, Jojo, ainsi que tous les membres du CCC et du conseil du LSD, avancez-vous jusqu'au milieu de la clairière, j'ai deux/trois mots à vous dire. Tous les autres, vous pouvez rentrer chez vous ! »

Personne ne se le fit dire deux fois : ceux qui avaient été appelés s'avancèrent, tous les autres partirent en courant.

« Asseyez-vous tous, sauf Paulo et Jojo, et écoutez-bien. Ne parlez que si je vous le dis. J'ai horreur d'être interrompu. Commençons par quelques questions à l'attention de ce soi-disant Élu. »
J'ai eu l'impression de voir se dessiner comme un sourire sardonique dans les nuages. Sans doute l'effet de mon imagination.
« Donc tu te crois l'Élu. C'est bien cela ? Réponds !
- Eh bien, oui. J'ai entendu votre Voix, suivi vos enseignements et cherché à lutter contre tous les travers de l'humanité.
- Il a entendu ma Voix ! On croît rêver ! Mais tu n'as rien entendu du tout, petit bonhomme. Ou du moins pas ma Voix. Pourquoi crois-tu que je pourrais en venir à m'intéresser à ta misérable existence ?
- Mais parce que vous nous avez créés, parce que c'est à cause de vous que nous sommes là, parce que nous sommes l'aboutissement de votre œuvre.
- Je rêve ! Comme si j'avais fait exprès que vous existiez ! Vraiment je n'y suis pas pour grand-chose. Comment avez-vous pu imaginer que des êtres aussi imparfaits que vous, puissiez être l'œuvre d'un Dieu tout puissant ? Vous n'êtes qu'un accident provisoire et contingent de la vie. La vie, le monde, oui je les ai créés. Ou plutôt, j'ai créé les conditions de cette existence. Ensuite il a suivi son cours, et vous êtes arrivés. Fruit de l'évolution. Peut-être que, dans pas mal d'années, l'un de vos arrière-arrière-petits-enfants le comprendra.
- Mais vous m'avez bien parlé. Sinon comment pourrais-je prévoir le futur ?
- Parce que tes prévisions sont exactes ? Tu es tellement stupide que tu ne te rends même pas compte de la contradiction inhérente à tes propos. Bon passons à Paulo. Toi, à quoi crois-tu ?
- Pas au Seigneur. »

En disant cela, Paulo devint rouge écarlate et n'osa plus regarder en direction du ciel.

« Enfin, je veux dire, jusqu'à présent, je ne croyais pas au Seigneur. Mais maintenant, que vous êtes là, évidemment, c'est différent.
- Mais non, tu ne vas pas te mettre à croire à moi, toi aussi. Cela tourne à l'épidémie. Je ne suis venu ici que pour remettre les choses en place, avant que tout cela ne parte trop en vrille. Une fois, cette discussion finie, je repars et vous n'entendrez plus jamais parler de moi, ni vous, ni vos descendants. Pour vous, je n'existe pas. Vous êtes trop insignifiants pour que je m'intéresse à vous. Est-ce que tu te préoccupe des microcellules qui peuplent cet univers ? Tu ne sais même pas qu'elles existent ! Donc Paulo, revenons à ma question initiale, à quoi crois-tu ?
- Je crois aux Mathématiques, dit-il en essayant d'enrayer le tremblement qui avait pris dans tout son corps. Je crois que, grâce aux mathématiques, on peut prévoir ce qui va se passer.
- Et cela marche ? Je veux dire : est-ce que, effectivement, la réalité est conforme à tes prévisions ?
- Non, pas vraiment. Mais quelle importance ? Avec Bobby, sa puissance financière, avec les journaux, avec la confiance que les gens ont en nous, nous modifions la réalité.
- Et vous arrivez vraiment à modifier la réalité ?
- Non, bien sûr, on ne peut pas. Mais tant que les gens y croient.
- Et tu crois que je me suis fatigué à déclencher l'existence de ce monde pour laisser une petite bande d'insectes venir pervertir son bon fonctionnement à coup de mathématiques. Alors vous allez être bien gentils d'arrêter de vous en servir pour tout et rien. Quand il s'agit juste de compter ou de faire des calculs sur le réel, pas de problèmes. Mais je ne veux plus voir de toutes ces prévisions sans queue ni tête. Sinon, je brûle tout et je repars à zéro, en espérant que, la fois suivante, aucune espèce aussi stupide que la vôtre ne verra le jour ! Compris. »

Un silence glacial s'installa dans la clairière. Je pris le risque de me lever et de parler :
« Nous avons compris. Je retourne à mes peintures rupestres, Christina à ses cabanes, Johnny va travailler sur ses roues et Jojo continuera, si cela l'amuse, à tuer des animaux pour leur ouvrir le ventre.
- Très bien. Tenez-vous le pour dit. »

Le ciel se referma, et la lumière étrange disparut.

La folie du temps des deux mondes cessa et le cours lent de la vie préhistorique reprit son cours. La leçon avait forte. Mais ne risquait-t-elle pas de se dissoudre au travers de l'écoulement du temps et des générations ?

(Fin)

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