30 déc. 2009

LA NAISSANCE ANNONCÉE DES MAISONS DU PLAISIR

Histoire de caverne (Saison 4 – Épisode 3)

Je connais maintenant les conditions mises par Isabella : vingt cabanes, une page de publicité, un accord entre Intervox et Internex. Mais pourquoi diable veut-elle vingt cabanes sans valeur ?

« Je crois que nous sommes obligés d'accepter, surtout que cela ne nous demande pas un gros sacrifice, commença Jacques »
Pour cette réunion essentielle, Jordana avait insisté pour que Jacques soit là. C'est ensemble qu'ils avaient monté « cabanes de rêves », l'entreprise leader sur le marché des cabanes simples, et surtout sur celui des « Tours du futur », nom commercial des piles de cabanes. Et tout le monde était persuadé qu'ils avaient mis en commun plus que leurs savoir-faire dans l'immobilier (Jordana était la spécialiste reconnue en matière de cabanes, Jacques exploitait depuis longtemps un réseau de cavernes de tourisme… mais surtout ils ne se quittaient plus, même la nuit. Leur liaison évidente était à l'origine de plusieurs billets dans l'Écho du Monde)…
« Jordie, tu en penses quoi, dis-je à Jordana, en lui souriant.
- Je suis d'accord aussi, répondit-elle en me foudroyant du regard. Et ne m'appelle pas Jordie, je t'en prie. C'est d'un ridicule !
- Ce n'est pas ce que tu as dit à Isabella quand elle t'appelé ainsi. »
Silence de plomb…

De son côté, Isabella n'avait pas perdu de temps. Elle était sûre que nous finirions par accepter ses conditions : qui refuserait de faire un rabais de 50% sur le prix de cavernes dont personne ne voulait ?
Elle était en grande conversation avec son protégé : Coco. Le décalage dû au temps de transmission via Intervox ralentissait les échanges. Avec Internex, cela irait plus vite : la lumière voyageait plus vite et plus loin que le son. Mais l'accord n'était pas encore signé…
« As-tu fait comme je te l'ai demandé ? As-tu construit un réseau de cabanes dans les arbres, tout à la périphérie de Christoville(1) ?
- Oui, j'ai fait exactement selon tes souhaits : j'ai maintenant une vingtaine de cabanes dans les arbres et personne n'est au courant. Sauf évidemment parmi les gorilles, mais je réponds d'eux.
- Parfait, nous allons avoir bientôt une vingtaine ici, idéalement placées. 
- Tu ne veux pas me dire maintenant à quoi cela rime.
- Tu m'as bien dit que tu avais trop de temps libre et trop d'argent. 
- Oui, et cela commence à me prendre la tête.
- Et c'est pareil pour tous les gorilles et tous les chimpanzés, n'est-ce pas ?
- Dans une moindre mesure, mais oui, c'est pareil.
- Eh bien, grâce à nous, plus personne ne va s'ennuyer… et ils auront tous moins d'argent !
- Hein ? »…

Ma discussion avec Jordana, Jacques et tous les autres était, elle, terminée. Tout le monde avait été d'accord pour accepter les conditions d'Isabella. Je ne voyais pas bien ce qu'elle voulait faire, mais j'avais assez de problèmes pour ne pas m'en préoccuper. Après tout, comme elle me prenait vingt cabanes immédiatement, cela m'enlevait une épine du pied.
Mon inquiétude, c'était ma solvabilité personnelle. Pour faire face à mes engagements, reprendre les cinquante cabanes, apporter les liquidités nécessaires pour payer les nouveaux salaires des singes et chimpanzés, financer les projets toujours croissants de Jacques et les inventions de Johnny, j'avais dû doubler le nombre de billes en circulation. Personnellement, cela ne me gênait pas, du moins tant que personne ne le savait. Sinon, je craignais un vent de panique. Je savais avoir des ennemis qui pourraient alors se faire un plaisir de lancer leur propre monnaie. Ce serait la catastrophe.
Pour l'instant, tout se passait bien. Il fallait que je fasse le point avec Thomas, qui ,depuis sa position stratégique à la tête de l'Écho du Monde et d'Internex, était au courant de tout. En plus, je devais lui parler de l'accord passé avec Isabella sur la page gratuite et sur le lien entre Internex et Intervox.
« Ne t'inquiète pas, me rassura-t-il. Rien ne filtre sur les billes. Pour la page gratuite, c'est notée. Mais c'est à la collectivité de prendre en charge le manque à gagner. Pour l'accord entre Internex et Intervox, je suis un peu à l'origine de l'idée : Internex est plus rapide quand le soleil brille, et Intervox fonctionne même par mauvais temps ou la nuit. En plus le trafic explose. Donc oui, je suis très favorable à cet accord… si je suis le président du regroupement bien sûr.
- OK c'est noté pour le dernier point. Si c'est possible, oui. Mais je ne vais pas en faire un point dur dans la négociation. Une coprésidence est acceptable.
- Comme tu veux… »

Un mois plus tard, l'accord était signé, les cabanes reprises par Isabella, les réseaux regroupés sous une coprésidence (Elle n'avait pas voulu que le tout soit dirigé par Thomas seul.). 
Enfin, elle utilisa pour la 1ère fois la page de publicité gratuite. Un seul grand titre occupait la page, et, des deux côtés du bout du monde, on pouvait lire : « Vous ne vous ennuierez plus jamais : les maisons du plaisir sont nées »
(à suivre)

(1) Dans un élan de mégalomanie, Christina avait fait rebaptisé le réseau de cabanes dont elle était à la tête : Christoville. Était-ce pour impressionner Johnny ?

Aucun commentaire: