17 sept. 2009

UN INDICATEUR UNIQUE DU BIEN-ÊTRE N’A PAS DE SENS

AgoraVoxPasser du suivi du PIB à celui du PNN n'est pas suffisant

La commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social vient de remettre son rapport à Nicolas Sarkozy. La presse s'en est fait largement l'écho, et a largement centré ses articles autour du besoin d'avoir « une nouvelle mesure des richesses ».
Ainsi le Monde écrit : « Idée-clé des travaux : mettre davantage l'accent sur la mesure du bien-être de la population plutôt que sur celle de la production économique. Ainsi, au produit intérieur brut (PIB), on préférera le produit national net (PNN), qui prend en compte les effets de la dépréciation du capital dans toutes ses dimensions : naturel, humain, etc. » (article du 14/9/09).
Certes, mais le rapport insiste aussi sur deux autres points, selon moi tout aussi fondamentaux : privilégier le point de vue des ménages (deuxième recommandation) et accorder plus d'importance à la répartition des revenus (quatrième recommandation) (voir les douze recommandations)
En effet nous raisonnons constamment sur des moyennes qui ne représentent le plus souvent que le résultat d'un calcul et masque la réalité des situations.
Quels sont les points communs entre des familles d'agriculteurs d'une région viticole comme le Languedoc, d'ouvriers de la Région Parisienne, d'enseignants d'une petite ville de province, de cadres dirigeants parisiens, de retraités avec une pension du niveau du SMIC à Lyon… Comment peut-on prétendre faire une moyenne entre tous ces cas ? Comment ne voit-on pas que chacune est impactée très différemment par l'évolution des prix, de la production ou des loisirs ? 
Quelques exemples :
- La baisse rapide des coûts complets (en incluant l'amortissement du matériel) d'accès aux télécommunications et au multimédia représente un gain de pouvoir d'achat relatif pour les familles aisées et surtout si elles sont urbaines (les forfaits « tout en un » sont intéressants surtout en zone urbaine et moins en zone rurale et diffuse). Elle n'a pas d'impact positif pour une famille à revenus modestes. Pire, l'attractivité des nouvelles offres, a souvent conduit ces familles à accroître leurs dépenses en s'abonnant à de nouveaux services.
- L'évolution des coûts de carburants concerne fortement les familles pour lesquelles la voiture n'est pas une option, et surtout si elle représente une part importante des dépenses. Toute augmentation peut amener la famille à devoir arbitrer aux dépends d'autres postes, comme par exemple l'alimentation (on ne peut pas se passer de sa voiture pour aller travailler, mais on peut manger plus souvent des pâtes ou du riz…)
- Le poste immobilier pèse peu en milieu rural (héritage familial, moindre coût locatif) et les familles y sont donc peu sensibles à son évolution (sauf si la zone est touristique).
- L'existence ou non d'enfants dans la famille transforme fortement la structure de consommation et donc sa sensibilité aux évolutions : dépenses scolaires, produits spécifiques (couches, équipements enfant, …), taille de la voiture…
- …
Comment peut-on penser que faire la moyenne de tout cela ait un sens? Certes tout indicateur repose sur le rapprochement de situations disjointes et le calcul d'une moyenne. Mais ceci n'est possible que si les situations ne sont pas trop dissemblables, si elles évoluent selon les mêmes logiques. Si vous mélangez tomates,  courgettes et aubergines, cela a un sens, et cela s’appelle une ratatouille ; si vous rajoutez un pneu, un stylo, une enveloppe et une paire de chaussures, cela n’a plus aucun sens ! C’est ce que nous faisons lorsque nous agglomérons des situations familiales aussi dissemblables : nous obtenons un indicateur qui ne veut rien dire.
Il serait donc urgent de ne plus regarder cette moyenne et de commencer par faire une typologie pertinente des familles françaises. Pour la construire, plusieurs variables devraient être croisées : lieu d'habitation, taille du foyer, niveau de revenu,…. Même en étant très simplificateur, on aboutirait probablement à plus d'une dizaine de situations.



Le résultat serait à l'évidence plus compliqué à suivre, mais il aurait un sens ! A vouloir faire simple, on a à des chiffres qui ne veulent rien dire. 
Aussi si demain on avait un indicateur unique du bien-être, même le mieux calculé du monde, il n'aurait aucun sens non plus !


3 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour,

Oui ce que vous décrivez là c'est bien le problème de la statistique.

On la met souvent en avant pour justifier des décisions. Mais les statistiques ne sont qu'un outil et ne peuvent refléter la réalité.

On peut aussi parler de la représentativité de la classe politique.

Les adhérents des partis principaux représentent au maximum 600 000 personnes.

On parle de démocratie mais finalement, les personnes qu'on nous présente pour les élections sont choisies par 600 000 personnes.
Les personnes qui ne sont pas issu de ces partis ont quasiment aucune chance d'éclore.

Est-ce que ces adhérents sont représentatifs de la population française ?
Est-ce que déjà ils ne sont pas orienté ?

Ma certitude est que oui. Je ne connais pas beaucoup de personne qui ne veuille profiter de sa position.

Alors tout cela est bien joli, mais que faisons nous ?

Une nouvelle révolution ?

Bien cordialement,
Philippe.

Robert Branche a dit…

Je ne crois pas que ce soit le m^me sujet, ou du moins qu'il en appelle aux mêmes solutions.
Pour les indicateurs calculés par la statistique, on peut veiller à l'existence d'un sens de la moyenne calculée en évitant les regroupements abusifs. On peut aussi donner des informations sur la dispersion des résultats.
Pour ce qui est de la représentativité en politique (comme d'ailleurs dans toutes les organisations collectives : syndicats, associations...), c'est un tout autre sujet. Ce n'est plus vraiment un problème de moyenne. Pour moi, il recouvre deux sujets :
- comment est faite l'élection : tout ce qui a trait au mode de scrutin (en incluant le découpage) et aux taux de participation
- quel est le pouvoir de celui qui est élu : sujets de compétence, délégation, contrepouvoir...

Unknown a dit…

Oui, ce n'est pas le même sujet.
Vous avez raison, mais les statistiques ne sont qu'un outil.

Leur interprêtation doit être faite avec beaucoup de précautions.

Le problème est que souvent ceux qui les exploitent ne connaissent pas leur construction et omettent de regarder les écarts type et n'hésitent pas à regrouper...

Et donc de prendre des décisions ou des positions qui ne sont pas en correspondance avec la réalité.

Et vous avez raison, il est impossible de mesurer la réalité, néanmoins cela permet tout de même de sortir des tendances et de pouvoir tester des solutions qui correspondent aux tendances.

Et si finalement, la solution était de faire ce que l'on a envie en respectant les autres ? De tester et d'essayer en n'ayant pas peur de l'échec.

Car si les développeurs de Google avaient fait faire des études au moment où ils ont travaillé à leur projet dans le garage : est-ce qu'ils auraient continués ?