13 janv. 2009

L’ENTREPRISE REPOSE AUSSI SUR DES INTERPRÉTATIONS

Les interprétations sont au cœur de tous les actes
Les travaux menés par la sociologie des organisations, et singulièrement par Michel Crozier, ont montré l’importance d’une bonne compréhension des interactions entre individus : comprendre que le comportement de chaque individu s’analyse dans le cadre d’une relation, et est, sauf cas pathologique, rationnel, mais de façon limitée. Chacun agit rationnellement en fonction de la compréhension qu’il a de la situation, des objectifs qui lui ont été donnés, et de ses objectifs personnels.
Ainsi si on ne comprend pas pourquoi un individu a telle ou telle réaction, ou pourquoi il prend telle ou telle décision, c’est que l’on ne comprend pas sa rationalité ; ou, autrement dit, que, de son point de vue, la logique des choix qui lui sont offerts est différente de celle que nous, nous percevons.
Selon la neurobiologie, ce qui structure l’action d’un individu, ce n’est pas le réel mais l’interprétation qu’il en fait. Ceci vient renforcer la vision développée par la sociologie des organisations : à partir de sa logique interprétative propre, son comportement sera rationnel. On passe de la rationalité limitée à la « rationalité interprétative ».
Donc si l’on veut synchroniser les actions au sein d’une entreprise vers un objectif commun, il faudra synchroniser les interprétations de chacun des individus. C’est un pas nouveau à franchir. Classiquement, on se préoccupe de savoir ce que chacun connaît des objectifs, et au mieux ce qu’il a compris ; on s’interroge rarement sur sa compréhension profonde et l’interprétation qu’il fait de ce que l’on attend de lui. Or s’il se trompe sur cette interprétation, il se trompera au moment d’agir.

Les systèmes de management construisent des interprétations globales
La problématique de la Direction Générale est d’être capable, à tout moment, de construire une vision organisée et structurée de la situation globale de l’entreprise. Pour cela, il lui faut synthétiser toutes les informations disponibles, élaborer des scénarios d’évolution tenant compte de l’expertise accumulée dans l’entreprise, choisir un scénario et le mettre en œuvre.
On retrouve très précisément les propriétés attribuées à la conscience supportée par l’espace de travail. Simplement à la différence d’un individu, une Direction Générale va devoir à traiter consciemment plusieurs sujets en même temps. Notons toutefois que, si un sujet majeur apparaît – par exemple risque d’OPA ou diversification majeure –, il vient occuper quasiment tout l’espace disponible.
Enfin, une entreprise importante est dotée de plusieurs espaces de travail : on peut en identifier à chaque niveau de management, filiales, division ou service.

L’entreprise peut se couper du réel et construire de fausses interprétations
Imaginez que vous êtes au volant d’une voiture, cette voiture faisant partie d’une flotte de véhicules professionnels. La voiture prend feu. Immédiatement, vous vous arrêtez et cherchez à éteindre l’incendie. Au même moment, le superviseur, qui se trouve dans la salle de contrôle, constate l’arrêt de votre véhicule. Il n’a lui pour information que la synthèse de celles figurant sur votre tableau de bord. Or aucun tableau de bord n’est équipé d’un voyant « véhicule en feu ». Donc le superviseur ne sait pas ce qui se passe : pour lui votre comportement est aberrant puisque vous vous arrêtez, alors que « tout va bien ». S’il n’y a pas à ce moment-là un système qui peut permettre au réel d’accéder à la salle de contrôle – par exemple via un téléphone –, le superviseur va construire une interprétation fausse.
Une entreprise peut donc se déconnecter, au moins partiellement, du réel. Dans ce cas, le système central n’est plus capable d’intégrer de nouveaux événements dans la construction de son interprétation et des faits explicatifs de la situation sont manquants : on peut voir se développer des comportements « aberrants », c’est-à-dire des interprétations en contradiction avec le réel. Comme pour l’individu héminégligent, une Direction Générale peut avoir une « maladie » l’amenant à ignorer une partie de son corps et à construire des raisonnements de type « logique des trois mains »

Voir aussi la vidéo "Pourquoi ce livre"

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

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